C'était le premier week end que je passais au pensionnat. Comme à mon habitude, je m'étais levé avant le soleil, et j'étais sorti en douce de la chambre, chaudement vêtu, mais pieds nus (j'étais pieds nus dès que je savais que je n'allais rencontrer personne, encore une bizarrerie que je voulais cacher...). Je m'étais ensuite attardé dans le parc, le temps que le soleil se lève. Déjà, je sentais fourmiller la terre entre mes orteils. Les alentours semblaient sauvages, car je pouvais sentir des vibrations, certes faibles, mais venant de tous les coins. J'allais sûrement rencontrer des espèces animales que je ne connaissais pas, et j'avais hâte de me rendre dans la forêt. Alors, une fois que le soleil fut levé et que l'air ambiant se fût un peu réchauffé, je me dirigeai à pas feutrés vers la lisière de la forêt.

Sous les arbres, on devinait à peine que le jour s'était levé, tant le feuillage était dense. Je crapahutai un bon moment avant de trouver un petit chemin praticable. Je regardai ma montre. Cela faisait 20 minutes que je marchais et je suivis le chemin pendant encore une quinzaine de minutes avant de déboucher sur une superbe clairière, où le feuillage laissait pénétrer beaucoup plus de lumière, lumière qui paraissait verte, car filtrée par les feuilles. Il y avait un petit cercle qui n'était pas recouvert d'herbe, et c'est au centre de ce cercle naturel, qui semblait avoir été fait exprès pour moi, que je m'installai debout, les yeux fermés.

Je ne m'étais pas trompé en pensant qu'il allait falloir que je reprenne tout à zéro. Il fallait que je me concentre de toutes mes forces pour sentir la nature autour de moi. Mais je remarquai quand même que ça semblait bien fourmiller là dedans, et de plus, il y avait beaucoup plus de végétation que dans ma Vieille Forêt. Mais cela n'était pas plus mal. Un nouveau terrain, de nouvelles choses à découvrir, cela allait endurcir mon entrainement et le résultat ne pourrait être qu'amélioré. Au bout d'un certain temps, j'ouvris les yeux. La lumière était beaucoup plus forte, car le soleil avait sans doute déjà bien entamé sa course dans le ciel. Autour de moi, il y avait trois rochers, tous de taille différente.

Je m'attaquais au plus petit des trois. Il était à peu près aussi gros qu'un ballon de basket, mais il ne ma fallut pas longtemps pour le faire s'élever dans les airs. Cette sensation m'avait manqué. Comme un artiste sans toile, ou un musicien sans instrument, je n'avais pas pu pratiquer pleinement mon art depuis quelques semaines. J'avais oublié cette sensation enivrante de sentir l'afflux nerveux qui partait de mon cerveau et qui se transférait dans la pierre, comme une extension de moi qui serait détachée. C'était grisant.

Tout à coup, je fis venir la pierre vers moi à toute vitesse, et je l'explosai avec mon poing. Les débris volèrent dans tous les sens, alors que je fermai à nouveau les yeux en me concentrant. Je sentis quasiment tous les morceaux retomber sur le sol autour de moi. Je n'avais pas perdu la main, tant mieux. Je me dis qu'à ce stade, et si je continuai sur la même lancée qu'en Corse, j'arriverais bientôt à réaliser des prouesses, et je pourrais peut être trouver le moyen, ensuite, de soigner les plantes, et de leur permettre de vivre plus longtemps... Je rouvris les yeux, je me mis en face de la pierre qui avait la taille d'un petit buisson, et j'entrepris de faire la même chose qu'avec la précédente...