Leif passa la tête par l'encadrement de la porte. La bibliothèque était un endroit calme, qui convenait parfaitement à son humeur actuelle. Il entra à pas de loup afin de ne pas déranger les autres élèves, et chercha des yeux la section "romans". Il la repéra après plusieurs minutes passées à arpenter la salle de long en large, choisit un livre et se laissa tomber sur une chaise.

Après la journée qu'il avait eue, un peu de lecture ne lui ferait pas de mal ! Il avait attendu ce jour pendant des mois, mais son arrivée au pensionnat l'avait rendu tellement nerveux qu'il n'avait pas réussi à dormir la veille. Les heures de train lui avaient semblé interminables, mais il était bien arrivé. Leif n'avait encore parlé à aucun élève du pensionnat. Il n'en avait pas peur, mais le fait qu'ils aient, comme lui, un "pouvoir", l’intriguait, et il n'avait tout simplement pas osé leur adresser la parole.

Il les observa en cachette, caché derrière son roman. Ces jeunes avaient l'air normaux. Certains étaient plongés dans leurs livres, d'autres avaient l'air de s'ennuyer et regardaient dans le vide.

Il n'ont pas l'air méchants, pensa-t-il.

Il continua sa lecture, un sourire aux lèvres, tout en épiant la porte de la bibliothèque. S'il voulait s'intégrer, il devait engager la conversation avec le prochain venu ! Il se lança ce défi à lui-même et se replongea dans son roman, attendant d'entendre le grincement de la porte.

Après toute cette agitation, voire tout ces petits êtres fourmillant et butinant d’allégresse (si j’ose employer ce genre de métaphores éculées), je me réjouis d’avance de trouver refuge dans le calme serein de la bibliothèque – lieu au demeurant assez propice pour se cultiver. Lorsque, comme moi, on n’apprécie guère la compagnie d’autres gens, préférant de loin la solitude profonde, on comprend vite l’intérêt pour moi d’aller y faire un tour souvent (une fois par jour, au moins).
Un soulagement qui reste bienvenue, même si je l’avoue, la joie et l’excitation du combat et du sang me manquent un peu. Mais en fait de combats, on peut dire que j’ai de quoi être servi : ce pensionnat fourmille d’humains bizarres aux pouvoirs tout aussi bizarres, de différentes créatures, bonnes ou mauvaises à tout point de vue.

Tout de suite, je me sens lus d’humeur à aller déchiffrer des inscriptions vieilles d’un siècle…ou bêtement de rire un peu en lisant une histoire – imaginative, ça au moins, il faut le reconnaître – des humains concernant les démons et les anges déchus. Toutes les bêtises que l’on peut y trouver…c’est à mourir de rire lorsqu’on a quelque connaissances en la matière et, étant moi-même un ange déchu de plusieurs siècles, on n’a guère de peine à imaginer l’étendue de mes connaissances (en la matière ou pas, d’ailleurs), et par voie d conséquence l’hilarité que ça peut déclencher en moi. Même si je ne le montre pas beaucoup, certes. Mais reconnaissez qu’il paraît étrange de voir quelqu’un s’esclaffer à pleine gorge devant un livre d’heroic fantasy.
Mais je m’égare.

Bon, le chemin de la bibliothèque ne m’étant pas inconnu – et le pensionnat dans son ensemble non plus, si l’on y regarde de près – je trouve facilement mon chemin.
Et puis, vient l’instant fatidique, moment de choix pour moi, où la pièce s’offre à moi suite au grincement de porte signalant l’ouverture de cette dernière. Quasiment jouissif quand j’ai besoin de solitude. Quoique de temps à autre, j’ai bien dû être obligé de me livrer à un babillage aussi inutile qu’intempestif.
J’espère que ce ne sera pas vraiment le cas aujourd’hui.
Même si j’ai connu pire.

Bref, je pénètre donc dans la pièce, vous l’aurez vite compris.
Puis, je regarde, comme à l’accoutumée, les gens présents dans la pièce, les dangers potentiels, les sorties et solutions possibles. Toujours les muscles contractés, prêt à agir.
Je suis peut-être un peu paranoïaque, mais quelques décennies à être traqué forcent la main à la méfiance.
Puis je me relâche, imperceptiblement pour un observateur extérieur inattentif, constatant l’absence de danger. Apparent ou non. Nous possédons quelques menus pouvoirs en ce qui concerne la détection de dangers, que voulez-vous.

Et là, j’entame ma recherche des yeux.
Un livre, évidemment.

Jusqu’à ce que mes yeux croisent le regard d’un garçon.
Un garçon aux cheveux blonds mal coiffés. Enfin, c’est l’impression que cela me donne.
Il a le regard tourné vers moi.
Je soupire.
Quelque chose me dit qu’il va falloir entamer une discussion. Je n’en avais guère l’envie, mais passons outre.

Je projette ma conscience sur lui, et je perçois encore la sensation étrange que j’éprouve à chaque fois que je crise un humain doté de pouvoirs.
Je soupire légèrement encore une fois.
On ne sait plus à qui se fier, ici. Qui est étrange, qui ne l’est pas ?
J’ai même croisé des êtres que je n’avais quasiment jamais croisé. A commencer par ces humains à qui cette lune de couleurs a donné des pouvoirs. Du moins à ce qu m’ont expliqué certains d’entre eux.
Je me demande ce qu’il serait advenu d’une créature disposant déjà de pouvoirs dits « surnaturels », à ce sujet. Rien, je suppose.
Bon, cela ne change rien.

Je parcours tout de même les rayonnages des yeux à la recherche d’un livre intéressant, m’attendant tout de même à ce que le jeune homme s’avance et essaye d’engager la conversation, comme le font si bien les humains.

Et toujours aucun ange dans les environs. C’est à vous désespérer de tuer.

Il avait oublié ! Il avait oublié de surveiller la porte !

Se maudissant intérieurement, Leif tourna rageusement une page de son roman. Cela faisait plus d'une heure que la porte grinçait sans discontinuer, et lui n'avait même pas levé la tête. Il n'avait pas relevé le défi. Il tapa du poing sur sa table, furieux. Plusieurs élèves le regardèrent, intrigués, et il reprit son calme. S'énerver de la sorte ne résoudrait rien. Et puis, il n'avait pas regardé la porte, ça n'allait tuer personne ! Il n'aurait qu'à discuter avec le prochain venu.

Leif poussa un petit soupir contrarié mais se remit à sa lecture, bien décidé à surveiller cette entrée.
Ce livre était passionnant, il fallait le dire ! Leif avait toujours apprécié le policier : les intrigues compliquées, les enquêtes difficiles, tout cela le fascinait. Sherlock Holmes était de loin son détective préféré, mais Hercule Poirot n'était pas en reste. Le talent et l'imagination des auteurs le sidéraient à chaque fois qu'il lisait l'une de leurs œuvres, et ce depuis son enfance. Il aimait aussi le fantasy, qui, jusqu'à quelques mois auparavant, lui permettait d'imaginer un autre monde. Depuis que la lune avait changé de couleur, sa vie avait basculé, et il avait l'impression d'avoir plongé dans un roman. Il ne s'en plaignait pas vraiment. Après tout, qui ne rêvait pas de magie, d'anges, de démons, de vampires ou de superhéros ? A présent, il les avait tous à porté de main ! Oui, il avait de la chance.
Au début de cette "nouvelle vie", il avait eu très peur de ce qu'il était devenu : un être anormal. Etait-il toujours humain ? Il s'était souvent posé cette question, sans réussir à en trouver la réponse. Il y parviendrait peut être en discutant avec ses futurs amis. Il s'y était maintenant habitué, et s'était résigner à être ce qu'il était. Son don était plutôt utile, alors autant en profiter !

Le grincement caractéristique de la porte de la bibliothèque retentit soudain. Leif leva vivement la tête et détailla l'inconnu de la tête aux pieds. C'était un garçon mince, pas très grand, aux yeux foncés. Il semblait un peu bougon, et soupira en croisant le regard de Leif. Quelque chose l'intriguait chez le nouveau venu, quelque chose d'étrange.

Peut être ses cheveux blancs, supposa Leif.

Il l'observa encore alors qu'il cherchait un livre dans les rayons. Le garçon avait l'air tendu. Non, vigilant. Leif haussa un sourcil, amusé : que pouvait-il lui arriver dans une bibliothèque ? A part une attaque de bouquins sanguinaires, Leif doutait que les lieux recèlent du moindre danger.

Il promena son regard autour de lui. Un peu plus loin, une fille fit voler un livre jusqu'à elle par la seule force de sa pensée. Leif avait été témoin de toutes sortes de phénomènes incroyables pendant cette première journée dans son nouvel environnement, mais cela le surprenait toujours. Il eut soudain une envie irrépressible de connaître la nature du garçon qui venait d'entrer. Était-il humain ? Ou s'agissait-il d'une créature magique ? Qui était-il ?
Sans réfléchir, Leif se leva d'un bond et rejoignit l'objet de sa curiosité.

« Salut ! Tu es ici depuis longtemps ? Tu es quoi, toi ? Un humain ? Autre chose ? Tu aimes l'ananas ? »

Leif attendit la réponse, un grand sourire vissé sur le visage, les cheveux plus décoiffés que jamais.

« Salut ! Tu es ici depuis longtemps ? Tu es quoi, toi ? Un humain ? Autre chose ? Tu aimes l'ananas ? »

Oh non. Il m’a tout l’air d’un garçon particulièrement excité, du genre à se faire remarquer.
Le genre que je n’aime pas trop croiser en venant dans un endroit pour être au calme, en somme.

Réprimant une envie de hausser les épaules et de le planter là, je lui enjoins d’un geste de la main à parler un peu moins fort. Non que me faire sortir d’une bibliothèque me gênerait particulièrement, mais je n’ai tout simplement pas envie que l’on me parle…alors, tant qu’à faire, autant éviter que celui-ci ne me soumette à un trop grand nombre de décibels.

Bref, assez détourné de chemin, je me vois maintenant obligé de réfléchir à quoi lui dire. Bonne question.
Après une courte réflexion, ne dépassant pas quelques secondes afin de ne pas sembler trop étrange, je me contente de lui dire d’une voix assez fraîche :

– Considérant que j’ai un certain avantage sur toi en matière de perception, je peux d’ores et déjà te dire que je suis une créature magique, et que tu possèdes des pouvoirs, que j’ignore cela dit.

Après une petite pause durant laquelle je me tapote la lèvre inférieure du bout de la main droite, je continue, afin de répondre à ses autres questions :

– Je suis ici depuis un certain temps…que je ne saurais vraiment estimer comme « longtemps », vu que j’ai vécu beaucoup plus qu’il n’y paraît. Et, pour répondre à ta dernière question (qui me paraît un peu incongrue, tout de même), j’aime bien l’ananas, même si je préfère de loin les oranges, surtout sanguines.
Vu tes questions, j’en déduis que tu dois être nouveau. Viens, il serait de bon ton que nous allions nous asseoir…

Je me dirige vers une table (j’ai un peu mal au mollet droit depuis un certain combat au centre commercial), puis m’assois, ayant saisi au passage un livre relatant une histoire d’anges et de démons. Je ne me suis pas préoccupé de savoir s’il me suivait ou non, je suppose que oui, étant donné qu’il m’a posé plusieurs questions sur mes goûts et mon appartenance – ou non – au monde dit « magique ».
Je soupire.

Puis, d’un air mi-amusé, mi-exaspéré, je pose le livre sur la table et m’assois, regardant par la même occasion et sans surprise le garçon aux cheveux décoiffés s’asseoir également.
Sans ouvrir le livre, je me contente de le fixer puis de lui dire :

– Je m’appelle Ryushi Akamata. Et toi, quel est ton nom ?

L’air vaguement amusé, j’attends la réponse, analysant en très peu de temps tout autour de moi ce qui se passe.
Il y a des gens, beaucoup de gens, trop à mon goût. Ils ont moins la délicatesse de ne faire aucun bruit…
Je constate que beaucoup d’entre eux ont des pouvoirs. D’autres sont des créatures magiques.
Aucun n’a de sentiments malveillants à mon égard.
Danger potentiel de l’environnement : aucun actuellement. Aucune attaque physique n’est à envisager.
Je regarde le jeune homme en face de moi.

Blond. Mal coiffé. Yeux marrons, reflets étranges.
Aucune trace de sang magique.
Semble particulièrement énergique. Sans doute hyperactif (un vrai malheur pour moi).
Dispose de pouvoirs (dus à la Lune, je sais). Pouvoirs inconnus.
Pensées et sentiments actuels à mon égard : curiosité, sans doute aussi de la surprise.
Danger potentiel actuel : aucun pour l’instant.
Je n’envisage donc pas d’attaque physique actuellement non plus.

Bon, ces détails réglés, j’attends toujours la réponse (je suis très rapide en matière d’analyse).
Ah, et, note à soi-même : retenir le nom de l’auteur de ce stupide livre (histoire de voir s’il a écrit d’autres livres « amusants » du même genre.

[spoiler=Hors RP]Si ça te paraît un peu pédant et verbeux, c'est normal, c'est Ryushi qui est comme ça ^^[/color]

Le garçon fit signe à Leif de parler moins fort.

– Considérant que j’ai un certain avantage sur toi en matière de perception, je peux d’ores et déjà te dire que je suis une créature magique, et que tu possèdes des pouvoirs, que j’ignore cela dit, dit-il.Je suis ici depuis un certain temps…que je ne saurais vraiment estimer comme « longtemps », vu que j’ai vécu beaucoup plus qu’il n’y paraît. Et, pour répondre à ta dernière question (qui me paraît un peu incongrue, tout de même), j’aime bien l’ananas, même si je préfère de loin les oranges, surtout sanguines. Vu tes questions, j’en déduis que tu dois être nouveau. Viens, il serait de bon ton que nous allions nous asseoir…

Leif le suivit docilement et s'installa près de lui, notant qu'il avait une démarche assez raide. Finalement, son interlocuteur ne lui plaisait pas vraiment. Il était un peu étrange. Sa manière de s'exprimer, de bouger, le faisaient paraître plus vieux qu'il n'en avait l'air. Il le disait lui même, il avait vécu longtemps.

Le garçon aux cheveux blancs soupira bruyamment, regarda Leif et dit :

– Je m’appelle Ryushi Akamata. Et toi, quel est ton nom ?

« Moi c’est Leif. Leif Sørensen, en fait. »

Ryushi, puisque c’était son prénom, lisait un livre de fantasy traitant d’anges et de démons. Se pouvait-il qu’il soit un ange ? Leif l’observa plus attentivement. Les anges avaient des ailes, or, Ryushi ne semblait pas en avoir. Elles étaient peut-être repliables, ou quelque chose dans ce goût là ?  Leif sourit à l’idée de son « peut être futur ami » avec des ailes en accordéon dans le dos. Et s'il était un ange, pourquoi lire un livre au sujet de sa propre espèce ? Peut être pour rire un peu, mais Leif doutait fortement que Ryushi soit le genre de personne à lire des bêtises pareille sur son peuple en se marrant tout seul. Il passa une main dans ses cheveux blonds afin d’essayer de remettre en place ses mèches récalcitrantes, mais impossible de les coiffer. Avec une moue contrariée, Leif jeta un discret coup d’œil à la tignasse de son voisin de table : parfaitement disciplinée.

« Tu dis être ici depuis longtemps. Tu as quel âge exactement ? Demanda le blondinet, intéressé. »

On ne demande pas l'âge d'une dame, se dit Leif, sans savoir d'où lui venait cette réflexion. Mais Ryushi n'a pas l'air d'être une dame, alors c'est bon !

Cette réponse pourrait peut être l’éclairer sur la nature de Ryushi ! Après tout, celui-ci avait deviné ce qu’il était, lui. Ce n’était pas bien difficile, mais Leif estimait que si Ryushi avait une information le concernant, il devait en avoir une concernant Ryushi. Ah, la curiosité !

Leif se rendit soudain compte qu'il avait oublié son roman sur la table qu'il avait quittée pour parler à Ryushi. Il s'excusa rapidement auprès de celui-ci, marcha tranquillement vers la table pour récupérer le livre. Il y était toujours, ouvert à plat sur la surface en bois. Laisser traîner les livres n'était pas très bien vu dans son ancien établissement scolaire, et il ne tenait pas à faire parler de lui dès son arrivée. Même pour un oubli de livre sur une table de la bibliothèque. Ce n'était pas une faute grave, mais il préférait l'éviter.

Le jeune homme se rassit en face de l'hypothétique ange avec un petit sourire. Si Ryushi ne devenait pas un véritable ami, il comptait sur lui pour l'aider à se faire une place au pensionnat. Ryushi était quelqu'un que l'on remarquait facilement grâce à ses cheveux blancs, et Leif le soupçonnait d'avoir un caractère tout aussi spécial. Pas forcément méchant, certes. Mais spécial. Le fait qu'il aime les ananas le rendait tout de même assez sympathique. Il avait sûrement des amis, et Leif comptait bien les rencontrer ! De fil en aiguille, il parviendrait facilement à trouver des gens sympas. Si cette technique ne marchait pas, il se rabattrait sur les connaissances de la personne avec qui il partageait sa chambre, et sur tous ceux qu'il croiserait dans les couloirs.

Si Ryushi avait répondu à sa question pendant qu'il retournait chercher son livre, Leif n'avait pas entendu sa réponse. Il hésita à la reposer, mais se ravisa. Un regard interrogateur ferait l'affaire.

Hors RP:

« Moi c’est Leif. Leif Sørensen, en fait. »

Leif Sørensen. Au moins a-t-il un beau nom, c’est déjà ça.
J’aime bien les noms nordiques.
Pourquoi, grands dieux (si j’ose dire, je ne crois évidemment pas aux puissances supérieures), pourquoi suis-je tombé sur cette boule de nerfs vivante ?
De toute façon, il n’est pas près de me lâcher.
Je ferme les yeux quelques instants pour me reprendre, attendant également qu’il continue la conversation.
Jusqu’à ce que le garçon, les cheveux encore plus décoiffés (il a probablement dû se passer la main dans les cheveux) demande :

« Tu dis être ici depuis longtemps. Tu as quel âge exactement ? »

Ce qui me fait ouvrir les yeux instantanément.
Je l’observe une poignée de secondes, me demandant où il veut en venir, puis, remarquant le léger coup d’œil qu’il a sur le livre que j’ai à la main, je comprends qu’il veut connaître ma véritable nature.
C’est beau, parfois, d’être aussi naïf.
Je souris légèrement, amusé.

Le garçon se lève, s’excusant : il a oublié son livre.
Il se lève et part à la recherche du fameux bouquin, me laissant seul à ma réflexion.
Pourquoi suis-je aussi paranoÏaque ?
Sans doute me répond une voix intérieure parce que tu as fait confiance aux anges, autrefois, et qu’ils ont trahi cette confiance.
Je secoue légèrement la tête, agacé. Je n’aime pas me rappeler ces moments-là.

Le revoilà, il se rassied avec un sourire. Et un regard interrogatif pour que je lui réponde. Très bien. Je lui répond, toujours un sourire léger flottant aux coins de mes lèvres, à voix basse :

– Pour être tout à fait honnête, j’ignore mon âge précis en années humaines. Je peux te dire que je suis vieux de plusieurs siècles, mais combien exactement…je n’en sais rien. Nous n’avons pas la même appréhension du temps, les humains et…nous.

Je n’ai pas très envie de lui divulguer directement ce que je suis.
Déjà parce que j’ai horreur des idées préconçues et qu’en général les humains en ont beaucoup au sujet des anges déchus (à commencer par cet amalgame entre anges déchus et démons).
Et, n’en doutez pas, tout ce que j’ai dit était vrai.
Chez les anges, l’âge est un détail relativement mineur (ils sont éternels, après tout). Chez les anges déchus, il est ravalé au rang d’inutilité : quel besoin avons-nous de connaître notre âge ? Nous vivons éternellement, comme des fantômes du temps, nous traversons toutes les époques, et nous n’avons aucune cérémonie à fêter, les dates et le temps ne sont rien pour nous que des inutilités.
Une autre raison est que, ainsi, nous ne morfondons pas en nous disant « cela fait tant de jours que j’ai été banni… ». Nous n’avons que faire du temps passé, si ce n’est la culture et le savoir que celui-ci nous a apportés.. Seuls comptent le présent et l’avenir en matière d’action.

Je suis trop tendu, aujourd’hui, je pense.
Après tout, peut-être que cette conversation en sera pas si exaspérante que ça, pour peu que l’humain…Leif, ne s’excite pas trop.
Même si une conversation ne me fera pas de mal, un hyperactif m’exaspérerait et me fatiguerait plus qu’autre chose, à la vérité.

Toujours légèrement souriant, je lui retourne la question (toujours à voix basse, je rappelle que nous sommes dans une bibliothèque) :

– Et toi, quel âge as-tu ?

Je n’ai pas l’intention de lui faciliter la tâche.
Je lui ai déjà fait comprendre explicitement que je n’étais pas un humain (pas besoin de lui préciser que je suis une créature magique, je crois qu’il l’aura compris tout seul à mon âge supposé et à mon appréhension du temps).
Je suis surtout curieux de savoir comment il va en venir à me demander (explicitement ou non, d’ailleurs, cela aussi m’intéresse) quelle créature je suis exactement. Tout les humains ne sont pas dépourvus de tact ni de subtilité, mais c’est à croire que la subtilité et l’intelligence se perdent au fur et à mesure du temps dans toutes les races.
Seuls les anciens subsistent (ou alors je suis dit cela parce que je commence à être trop vieux pour cette terre ?).
Quoi qu’il en soit, je suis quand même curieux de connaître la réponse de mon interlocuteur, et ses futures questions, et par là même, le connaître mieux, lui. Cela peut être intéressant, qui sait ?
D’ailleurs, je ne pense pas qu’il sache que je suis un ange déchu (en tout cas pas spécifiquement). Il doit penser soit que je suis un ange, soit que je suis un démon.

Attendant la réponse, toujours souriant, je commence à m’intéresser un peu à ce jeune humain.
Je suis sans doute un peu trop fatigué.

Hors RP:

Plusieurs siècles ? Wow, il ne les faisait pas !
Le temps n'avait laissé aucune trace sur son visage. Oui, il n'était décidément pas humain. La curiosité vint encore une fois titiller Leif, mais il la repoussa sans ménagement. Ryushi n'avait pas l'air d'être le genre de personne à parler de lui facilement.

– Et toi, quel âge as-tu ?

Leif se sentit tout à coup tout petit. Il était en train de discuter avec une créature ayant vécu plus de dix fois plus longtemps que lui, et qui ressemblait toujours à un adolescent. Jusqu'à quel âge vivrait-il ? Trois mille ans ? Plus longtemps ? Leif vivrait au mieux une centaine d'année. Un temps dérisoire par rapport à ce qui lui semblait une éternité.

« Je suis assez jeune par rapport à toi. J'ai seize ans, bientôt dix-sept. En tous cas, on ne dirait pas que tu as plusieurs siècles ! Répondit-il en riant un peu trop fort. »

Leif se reprit. Il devait perdre cette mauvaise habitude de parler fort, c'était inutile et désagréable au possible pour les autres. C'était du moins ce que disaient ses parents. Sa plus jeune sœur, elle, faisait en sorte de parler plus fort que lui, et à la fin de la journée, tout le quartier pouvait les entendre discuter. Cela leur avait souvent valu des punitions de la part de leurs parents, comme mettre la table toute la semaine. Bien sûr, Leif avait toujours fait en sorte que sa sœur soit la seule à obéir. A douze ans, elle était déjà insupportable...

Le jeune homme revint à l'instant présent. La bibliothèque était toujours aussi silencieuse, et cela commençait à le mettre mal à l'aise. Il avait l'impression que tout le monde pouvait entendre leur discussion. Ryushi souriait toujours, son petit air amusé plaqué sur le visage. Bizarrement, ce sourire n'agaça pas Leif comme il pouvait le faire d'habitude. Sûrement parce qu'il n'était pas vraiment humain, ce sourire.

Tant mieux, songea-t-il.

Il devait maintenant trouver un moyen de connaître la vraie nature de Ryushi. Il pouvait le demander directement comme il l'aurait fait d'habitude, mais le jeune homme avait l'impression que ce n'était pas la bonne technique pour avoir des réponses à ses questions. Une méthode plus détournée, plus subtile, donnerait de meilleurs résultats. Il tapota la table du bout des doigts en rythme pour se donner le temps de réfléchir. Que pouvait-il bien dire ? Leif avait peur d'être impoli. Demander "Tu es quoi, exactement ?" pouvait être mal pris. "Quel genre de pouvoirs tu as ?" serait indiscret.

« Au fait Ryushi, commença-t-il, comment ça se fait que tu es ici ? Si tu es une créature magique d'une centaine d'année, pourquoi tu viens dans une école où tu trouveras surtout des humains ? »

La question n'était pas bête. Leif ravala un sourire de fierté et se força a attendre la réponse, impassible. Il aimait bien ce petit jeu, finalement. Essayer de tout savoir sur les autres, cela l'amusait ! D'autant plus que son don pouvait faciliter les choses. Pendre l'apparence d'un proche de la personne que l'on veut questionner, et le tour est joué ! Oui, ce don était définitivement utile !

Hors RP:

« Je suis assez jeune par rapport à toi. J'ai seize ans, bientôt dix-sept. En tous cas, on ne dirait pas que tu as plusieurs siècles !

Il parle trop fort. C’est très agaçant, tout ça…
Heureusement, il a l’air de s’en rendre compte.

Enfin, seize ans….c’est loin, l’année de mes seize ans . je m’en souviens à peine…E pourtant, j’ai un (très) bonne mémoire.
Mais je sais bien que je ne fais pas plusieurs siècles, le temps glisse sur les anges sans rien leur faire. Même mes cheveux blancs – que d’aucuns prendraient, et même ont pris, pour un signe de vieillesse – étaient déjà blancs à l’aube de ma vie.

Il réfléchit, là, je le sais. Ou plutôt je le sens ET je le vois.
Il se demande comment il va m’arracher la vérité.
C’est intéressant, je dois dire.

Je pense qu’il a trouvé une piste : son regard s’est éclairé et il s’est légèrement détendu, comme quand quelqu’un trouve la solution d’un problème ou d’une énigme.
Voilà :

« Au fait Ryushi, comment ça se fait que tu es ici ? Si tu es une créature magique d'une centaine d'année, pourquoi tu viens dans une école où tu trouveras surtout des humains ? »

C’est une très bonne question, je dois le reconnaître. Il est futé, au moins.
Je souris plus largement avant de répondre :

– C’est une question que l’on peut se poser, en effet. Pour te répondre de façon indirecte, je dirais que je ne suis pas la seule créature magique dans cet endroit, loin de là. Et même dans le cas contraire, une telle concentration d’humains…à pouvoirs attirerait des intrigués, dont je fais partie, étant donné que je n’ai jamais eu connaissance de semblables évènements au cours de ma (longue) vie. Du moins pas à cette échelle. Tu comprends ce que je veux dire ?

Certes, habituellement, je ne parle pas autant par énigme, mais j’ai envie de tester un peu cet humain avant d’entrer directement dans le vif du sujet.
Lorsqu’on est une créature magique, on en dévoile pas sa vraie nature à n’importe qui sans connaître un peu l’interlocuteur.
Lorsqu’on est un ange déchu, c’est pire : je ne peux pas me permettre de dévoiler beaucoup de choses à quiconque, les anges déchus étant parmi les créatures les plus craintes du monde « magique » et même « non magique », c’est vous dire. Mais craintes signifie également qu’on les traquera, qu’on les agressera. Je dois donc souvent faire très attention.

Ce serait inutile de lui demander pourquoi lui est là, étant donné qu’on trouve dans ce pensionnat un certain nombre d’autres humains avec le même genre de pouvoirs que lui, ce qui peut être extrêmement perturbant pour un humain, je le reconnais.
C’est donc normal que ceux-ci se mettent en groupe, surtout aussi caché afin de se protéger de leurs ennemis…les humains « normaux », qui, pour la plupart tenteront de les agresser. Ce qui pose certains problèmes, notamment le fait de fuir la société, etc.
Donc, lui, je sais pourquoi il est là.
De toute façon, j’attends la suite, je n’ai pas besoin de poursuivre cette conversation : s’il est vraiment curieux, il insistera (chose que l’on ne voit jamais habituellement chez les fictions racontées par les humains, ce qui m’a toujours paru étrange et un peu stupide).
Ceci étant dit, je ferais bien de faire attention, les humains, surtout aussi nerveux que celui-ci ont tendance à s’agacer facilement lorsqu’ils n’obtiennent pas de réponse claire.
Cela dit, je ne crois pas qu’il soit du genre à s’agacer, curieusement. Nous verrons bien.

Oui, la question était très pertinente, Leif le vit au sourire de Ryushi qui s'élargit. Il le fit attendre quelques secondes avant de répondre :

– C’est une question que l’on peut se poser, en effet. Pour te répondre de façon indirecte, je dirais que je ne suis pas la seule créature magique dans cet endroit, loin de là. Et même dans le cas contraire, une telle concentration d’humains…à pouvoirs attirerait des intrigués, dont je fais partie, étant donné que je n’ai jamais eu connaissance de semblables évènements au cours de ma (longue) vie. Du moins pas à cette échelle. Tu comprends ce que je veux dire ?

Oui, Leif comprenait très bien. Mais ce qu'il ne comprenait pas, c'était que Ryushi réponde "de façon indirecte". Pourquoi ne pas répondre clairement aux questions ? Tout serait beaucoup plus simple... Les questions que posait Leif n'étaient peut être pas clairement exprimées, mais Ryushi devait avoir deviné où le jeune homme voulait en venir. "Quelle est ta nature ?". Mais bien sûr, il n'était pas question de le demander comme ça ! Il ne le ferait que s'il n'avait pas le choix. Seulement, il avait du mal à trouver comment formuler ses questions. Comment amener Ryushi à en parler de lui-même ? Il n'en avait aucune idée. La fatigue accumulée au cours de la journée lui donnait mal à la tête et l’empêchait de réfléchir.

Souvent, il se demandait si prendre l'apparence d'une personne n'ayant pas de tête résoudrait le problème du mal de tête. Il n'avait jamais osé essayer, de peur de ne plus avoir de cerveau et de ne pas réussir à faire en sorte que sa tête réapparaisse. Il envisageait de tenter l'expérience en faisant disparaître un bras ou une jambe, un jour. Il n'était pas sûr que son don le lui permette, mais il avait envie d'essayer !

Leif chassa ces pensées pour mieux se concentrer. Sa tête lui faisait un mal de chien, il n'arrivait pas à réfléchir. Après tout, pourquoi ne pas lui demander directement ce qu'il était ? Ryushi était vieux, il comprendrait bien que Leif soit un peu impulsif... Non, il devait arrêter de penser de cette façon. Ryushi attendait toujours sa réponse.

« Je comprends très bien, dit-il. Mais alors, quel genre de créatures magiques sont venues ici ? Et pour quoi faire ? Parce que bon, regarder des humains s’amuser avec leurs pouvoirs magiques, ça va cinq minutes, mais à la longue, ça doit être lassant… »

Autant parler des créatures magiques en général. Il reparlerait de Ryushi un peu plus tard. Leif étouffa un bâillement et s’étira comme un chat sur sa chaise. Ryushi n’était décidément pas très bavard, et quand il parlait, ce n’était que pour essayer de le perdre. Leif se dit qu’il aurait peut être du arrêter la discussion ici, mais la curiosité le poussait à continuer de parler. Pourquoi ne pas tout simplement dire « je suis un ange ! » ou « je suis un elfe ! » ? Pourquoi tant de secret ? Avec un soupir, Leif croisa les bras sur la table pour écouter Ryushi plus confortablement installé.

Hors RP: