Rencontre étincelante [PV Keyla Lindgren]

Je me promène tranquille, enfin ! Pas un instant de repos depuis que je suis arrivé dans ce pensionnat… Enfin, si, quand je dors, mais comme dirait l’expression gamine, « c’est de la triche ! »…Bon, je dois avouer que l’endroit en lui-même est plutôt sympa…Et puis le lac ! j’aime bien quand il fait beau, et avec ce bleu, ça rend plutôt bien, niveau couleurs ! Il est vraiment très bleu, ce lac…J’aime bien observer l’eau, presque autant que le feu…Tiens d’ailleurs, faut que je replonge dans cette « drogue »…Ah…observer le feu,…Tiens, je suis pas tout seul ? y’a une fille là-bas…Elle est blonde ! Ça part mal…Bon, trêve de plaisanteries débiles (surtout avec les blondes, les pauvres !), j’ai pas l’intention de rester sans amis dans un pensionnat ! Un coup à se faire « bizuter », ça…et tout au long de l’année…Bon, c’est pas la question…Je m’approche d’elle, et qu’est-ce que je lui dis ? Bah, je suis bête, de toute façon, on ne réfléchit jamais à ce qu’on va dire, quand on est au bord d’un lac avec une fille ? hein ? mais attends, je suis en train de dériver là…Oulàlà, ‘va falloir te surveiller de près, mon bon Lorgan… Bien bien…je m’approche donc, et je lui balance un truc du genre

-Salut ! Je m’appelle Lorgan von Raukov, et toi ?

Bah au moins, j’ai pas démarré la conversation par « c’est une belle journée ! », phrase la plus maladroite qui soit pour démarrer une conversation.. Encore qu’en Russie, ça peut marcher, vu le temps qu’il y fait… mais là, ça fait quand même « Bond, James Bond ! »…ça fait pas un peu craignos, comme manière de se présenter ? Bah de toute façon, c’est fait, y’a plus rien à faire.. Enfin, à part attendre qu’elle veuille bien me répondre, si elle me prend pas pour un idiot, et c’est pas fait…Pourquoi je m’inquiète comme ça ? Oh tiens, elle a les yeux verts ! remarque, ça lui va bien…j’avoue que je suis curieux de voir ce qu’elle va penser si je lui montre mon pouvoir…remarque, qui sait, peut-être qu’elle en maîtrise un aussi…après tout, j’ai déjà croisé deux-trois « phénomènes de foire », comme moi ! Bah de toute façon, il paraît que j’ai l’air bizarre sans même le pouvoir, alors ! Faut dire que je croise pas souvent des albinos vairons, moi non plus…Du coup, l’œil rouge et la cicatrice, ça fait toujours bizarre…surtout avec l’œil vert à côté…Enfin, quand les gens découvrent mon pouvoir, la plupart croient que je suis une blague vivante qu’un copauin a fait pour eux…Je sais pas pourquoi, mais ça me fait jamais rire qu’on me prenne pourune blague…Ouh, je me suis un peu égaré, là…Bon, je disais « espérons qu’elle va pas me prendre direct pour un idiot ! »…

«I feel I've come to realize, How fast life can be compromised . Step back to see what's going on .. »

Le sol était vachement dur, mais en Europe, j'avais été habituée à m'asseoir pendant des heures sur le toit de chez moi, les écouteurs dans les oreilles, admirant la lune comme une grosse romantique. Le dos courbée, les pieds à plat sur la roche, les avant bras posés sur mes genoux qui se faisaient face, j'étais perdue dans une profonde contemplation de l'eau qui s'écoulait devant moi.

Comme à mon habitude, j'avais mon casque sur la nuque, les notes de musique s'infiltraient agréablement dans mes tympans. Malgré mon apparence calme et posée, j'avais envie de me lever et de danser au bord de l'eau, librement et sans aucune honte.

La musique défilait lentement et les paroles attiraient mon attention, une phrase en particulier. Je la murmurais tout bas en même temps que le charismatique Strify : I'm not gonna live forever .. J'arrivais à entendre l'eau contre les rochers, les oiseaux chanter ... et le bruit du vent, à la fois dérangeant et agréable, contre les sèches branches d'arbres. Au fur et à mesure que le rythme faisait battre mon coeur, les paroles, d'une amie me vint à l'esprit : I've learned that sometimes, all you have to say is 'fuck it' and just live.

Cette phrase eu l'effet d'une bonne douche froide .. Je me levais sur mes deux jambes comme si j'avais un peu trop abusé de la boisson et me mit à danser au bord du lac, en fermant les yeux. J'avais mis mon casque dans les oreilles avec Song 2 - Blur (dites la Wouhouu Song) à fond et je bougeais le plus rapidement possible. J'étais à la limite du ridicule voir même plus, mais je m'en foutais. Je levais mes deux majeurs au ciel pour montrer mon indifférence les yeux toujours fermés.

La musique terminée, je m'allongeais sur les rochers plat, haletante. Dès que ma respiration eu retrouvé sont débit normal, je me redressais, le dos penché en avant dans ma position initiale. Ça faisait un bien fou de se défouler, mon cœur battait à cent à l'heure. Ma petite boite à musique était sur pause et je pouvais profiter du silence qui m'entourait. Enfin plus pour longtemps : un désagréable grincement de cailloux venait rompre mon utopie.

-Salut ! Je m'appelle Lorgan von Raukov, et toi ?

J'avais quelques secondes avant de me retourner, profitant ainsi de quelques instants de tranquillité. Je m'étais convaincu d'aimer la solitude, mais mon corps s'emportait à proximité d'un individu. Je souris, tournant la tête vers ce Lorgan et ne pouvant pas m'empêcher de lâcher un :

- Waaaaaaaaaouh ! La classe ton œil rouge, c'est naturel ? Oo excuse moi, je suis Keyla Lindgren ~

- Waaaaaaaaaouh ! La classe ton œil rouge, c'est naturel ? Oo excuse moi, je suis Keyla Lindgren ~

Et bien, elle, je l’aime bien ! Dans le genre franc, on peut difficilement trouver mieux ! En plus, elle danse plutôt bien, pour ce que j’en ai vu. Joli prénom, aussi ! Enfin, bon, je me demande ce que je dois répondre ? Bah, j’ai pas l’impression que sombrer direct dans l’ironie et le second degré soit propice à tisser des liens d’amitiés…Ben on va rester dans mon caractère naturel, alors !

Pas grave, c’est normal que ça te surprenne…Parce que si tu vois un type avec la même tronche que moi, préviens moi tout de suite ! C’est qu’y’a des gens qu’ont des préjugés, hein… ? Oh, et pour te répondre, je pense que tu t’en étais doutée, mais ouais, c’est ma coloration oculaire naturelle…’fin c’est ma couleur d’œil gauche, quoi !

Pas besoin de réfléchir, on lance en automatisme. Après tout…Wooh, vraiment magnifique, ce lac ! Décidément, j’aime bien l’eau. Pas autant que le feu, mais j’aime bien l’eau. J’ai déjà rencontré des gens bizarres dans ce pensionnat. Ça serait « abusé » si elle avait elle aussi un « powaaaa » (unlimited) [faut que j’arrête avec cette expression !, moi]. Bref, le lac est vraiment beau….Bon, mon œil rouge est toujours aussi surprenant, ça a un côté jouissif quand les gens me regardent bizarrement ou me disent ! « tiens, t’es vairon »… Dis-donc, je suis en train de me dire, j’aime bien les contrastes parlés moi ?!! Utiliser une expression aussi verbeuse que « coloration oculaire naturelle » en plein dans un discours pour le moins « familier ». Bof, au pire, je m’en fiche. En fait, je devrais même me dire que c’est un peu la classe… ! De toute façon, les gens trop prévisibles, j’aime pas ça non plus. Bon après, c’est sûr que quand quelqu’un est super lunatique, c’est assez chiant de parler avec lui – ou elle ! – parce que y’a pas moyen de savoir comment il, ou elle va réagir à ce que tu vas dire…Ouais, je suis assez exigeant en matière de relations humaines, mais bon, pour invoquer une excuse des plus bidons : « c’est dans ma nature »…Bon, j’en étais où ? Ah ouais ! J’espère quand même qu’elle a un pouvoir parce qu’au moins je suis sûr qu’elle aura pas de préjugés à cause de ça ! Tiens, on en retourne aux préjugés…d’ailleurs, j’espère qu’elle en a aucun. Enfin, aucun de trop extrême, parce qu’on a tous nos petites idées prémâchées…Et revoilà que je dérive. Décidément, je commence à réfléchir trop vite pour moi, ce qui n’est pas forc »ment peu dire !

«I'm not alone because the TV's On, Yeah .. I'm not crazy because I take the right pills, every day .. »

- Pas grave, c'est normal que ça te surprenne...Parce que si tu vois un type avec la même tronche que moi, préviens moi tout de suite ! C'est qu'y'a des gens qu'ont des préjugés, hein... ? Oh, et pour te répondre, je pense que tu t'en étais doutée, mais ouais, c'est ma coloration oculaire naturelle...'fin c'est ma couleur d'oeil gauche, quoi !

Je fronçais légèrement les sourcils pour comprendre plus clairement ce que le jeune homme venait de dire et mis quelques secondes à associer coloration oculaire naturelle à couleur des yeux. Comme genre super atteinte, y a pas pire que moi ! Je dormirais moins conne ce soir. Je me levais sur mes deux jambes, non pas que j'aimais être debout, mais la roche dure commençait à attaquer férocement mon derrière fragile. Je cachais d'une main son œil rouge pour mieux analyser la coloration oculaire de son deuxième œil en perdant à nouveau une occasion de fermer ma gueule :

- En plus, on a presque la même couleur, les miens sont un peu plus foncés ~

Je m'étirais, les bras au ciel, profitant du superbe temps qu'il faisait. Une légère brise frôlait ma joue et je croisais mes doigts derrière ma tête en regardant dans le vide, soupirant les yeux fermés. Les souvenirs me revenaient à la surface : les étés interminables à pêcher avec mes parents lorsque j'étais gamine .. C'était si bon, d'avoir une famille normale, avant d'en avoir une corrompue, et rendue complètement folle par le fric. C'est dramatique. Je n'arrivais toujours pas à ne plus penser à eux. J'essayais de me souvenir des fugues, certains week-end, ou ma femme de chambre me couvrait pendant que j'allais au bord de l'eau avec Alex et Leyana. De si bon souvenirs ... Et puis, j'en ai marre de penser à ma vie d'avant, c'est terminé tout ça. J'ouvrais les yeux en me promettant de ne plus penser à ma famille située à l'autre bout du globe. N'ayant pas grand-chose à dire, je décidais de parler météo :

- Belle journée, pas vrai ? ~

Je suis le genre de personne qui a une mémoire photographique. Il me suffisait d'observer un endroit pendant quelques secondes pour m'en rappeler avec le moindre détails. J'analysais les pierres à moities enfouies sous l'eau, les poissons qui nageaient à une vitesse, les têtards sous la mousse verte qui bordait le lac. A présent le soleil tapait agréablement sur ma joue. Vu comme ça, j'allais vraiment passer pour une écolo de service à observer, sentir, écouter la nature. Mais les instants où je peux me sentir bien dans ma peau sont tellement rare que je profite du moment présent.

Elle fronce des sourcils. En même temps, quel abruti de passer directement sur des expressions « barbares »…’fin bref…Oh, elle se lève ! En même temps, c’est assez chiant d’être assis, enfin assise en ce qui la concerne, sur un rocher…What ? Mais serait-elle en train de cacher mon œil rouge ? Bah, c’est pas désagréable…Et puis, si elle veut examiner mon œil droit, c’est normal qu’elle cache le gauche, il attire trop le regard…qu’elle a joli d’ailleurs !

- En plus, on a presque la même couleur, les miens sont un peu plus foncés ~

Tiens c’est vrai ! J’étais en train d’y penser, et crac ! Voilà qu’elle s’y met aussi…Bon en même temps, c’est normal vu qu’elle était en train d’examiner mon œil, c’est pas très surprenant qu’on pense tous les deux à mon œil…enfin, ce que j’en dis moi (et oui, je sais que cette phrase ne sert à rien, et je la dis quand même !)Le temps est vraiment magnifique ! J’adore la chaleur du soleil sur mon visage ! Un feu géant…Elle doit être un peu ankylosée, vu comment elle s’étire… ! Encore une fois, c’est normal quand on est assis(e) sur un rocher…je connais ce genre de regard…c’est quand quelqu’un pense à quelque chose d’heureux, qu’il – ou elle – ne peut plus réavoir maintenant…je le sais, j’ai le même quand je pense à mon frangin…Et voilà que je me mets à y repenser, maintenant…Bah, j’vais essayer de chasser ces souvenirs, c’est toujours douloureux d’y repenser…

- Belle journée, pas vrai ? ~

– Et bien, ça dépend des points de vue…Pour quelqu’un qui aime la pluie, contrairement à moi, je précise, c’est une très mauvaise journée…mais moi, j’aime le soleil, donc je ne peux qu’être d’accord avec toi…En plus, le reflet sur le lac rend super bien au niveau couleurs…

Bien, Lorgan, bien ! Qu’est-ce qui m’a pris de commencer à disserter sur les points de vue ? Bon, en même temps, je suis né comme ça, qu’est-ce que j’y peut ? Toujours est-il que je suis parfaitement d’accord avec elle…C’est vraiment un beau soleil…Une petite flamme, et pour moi, ce serait le paradis…Et oui, mais je ne sais pas comment elle le prendrait…Si ça se trouve, c’est une fanatique anti-« magie »…je sais que j’ai tendance à être paranoïaque, mais j’ai assez subi d’avanies et de blessure dans ma vie pour me montrer encore imprudent…Ou alors, je serais singulièrement con…Honnêtement, plus j’y pense, plus je me dis que ce pouvoir est à la fois une bénédiction – pour la protection qu’il me fournit, ainsi que pour l’indicible joie qu’il m’apporte quand je l’utilise – et une malédiction –pour les ennemis qu’il m’a donné, ainsi que pour les accidents que j’ai provoqué avec…Remarquez, sans lui, j’aurais jamais eu cette cicatrice, et ça n’a fait que rajouter de l’étrangeté à mon apparence…J’aime pas les types trop banals…En tout cas, avec elle, j’ai comme l’impression, plutôt étrange, que je vais être servi niveau bizarrerie. C’est étrange parce que c’est une impression indéfinissable qu’elle a quelque chose en plus…Non, il ne s’agit pas de perversité, juste d’une sensation que quelque chose est « bizarre » (dans le bon sens du terme, en l’occurrence) chez cette fille…ça doit être ce que les gens « normaux » appellent « l’instinct »…En tout cas, pour moi, c’est une certitude, elle n’est « pas comme les autres ». Je suis curieux de voir en quoi…

«I got my head down, When I was young . It's not my problem ..»

- Et bien, ça dépend des points de vue...Pour quelqu'un qui aime la pluie, contrairement à moi, je précise, c'est une très mauvaise journée...mais moi, j'aime le soleil, donc je ne peux qu'être d'accord avec toi...En plus, le reflet sur le lac rend super bien au niveau couleurs ...

Je crois que ce Lorgan me plait. J'adore les réflexions poussées. Moi, folle ? Certes, mais j'assume ! Au moins, je pourrais avoir avec lui cette chose étrange et complexe que l'on nomme une conversation.

- J'adore la pluie, mais comment résister à ce soleil ?

En effet, j'avais l'impression que les rayons de cette grosse étoile jaune s'introduisaient doucement dans mes pores, faisant renaitre ma peau gelé par l'éternel hiver de Suède. En plus, l'eau semblait me crier de venir m'y baigner que s'en était presque de la lourde torture psychologique. Elle était tellement claire, aucune vilaine bêtes ne venaient s'y rafraichir, mis à part quelques coccinelles et ces insupportables papillons aux ailles nauséeusement colorées qui hantent mes cauchemars.

J'avais déjà piqué une tête dans la cascade à proximité du pensionnat le jour de mon arrivée et j'avais quelque peu maîtrisé cette malédiction qui anime mon quotidien qu'on appelle dans cet établissement "pouvoir" ou "don". Tiens, en y réfléchissant bien, je me demandais si ce mystérieux jeune homme aux magnifiques yeux bicolores était un humain, ou bien était-il doté d'un pouvoir qui ne lui servait pas qu'à recharger son Ipod lorsqu'il affichait Low Battery ? Je n'allais tout de même pas le lui demander, ce serait un profond manque de tact et ma personne truffée de vices en possédait déjà assez pour en rajouter.

C'était trop, tout mon être voulais plonger dans le lac aux couleurs turquoises. Je retirais cette petite boite à musique électronique qui m'accompagnait nuit et jour (Sauf sous la douche, bien entendu) pour le poser sur le sol, retirais mes convers sans oublier mes chaussettes (vertes à pois roses, rolalala la honte) et pour finir ma veste et mon pantalon, noir, parce que comme dit Mick Jagger : I look inside myself and see my heart is black. J'avais pas envie de passer pour une chochotte à mettre une heure pour entrer dans l'eau en poussant des gémissements du genre "Oulala, c'est froid". Sachant que j'étais habituée à nager dans des eaux entre zéro et cinq degrés. Arrivée à quelques mètres du bord je me retournais vers Lorgan. J'étais surement en train de passer pour une plouc de première, alors autant le faire à fond !

- Alors, tu viens ?

Je lui adressais un grand sourire en passant la main dans mes cheveux emmêlés et en tirant distraitement sur mon T-shirt blanc que j'avais gardé sur le dos, histoire de ne pas faire un strip-tease devant un pensionnaire que je venais à peine de rencontrer.

- J'adore la pluie, mais comment résister à ce soleil ?

Heureusement que je suis tolérant, parce que la pluie et moi, ça fait largement plus de deux ! n’empêche, elle a raison, pas possible de résister à « l’astre du ciel »…(remarquez que c’est débile, comme expression, tous les astres sont dans le ciel…mais moi j’dis ça…). Elle a l’air de l’apprécier, ce soleil, d’ailleurs…La lumière et la chaleur ! Le feu pur et à l’état le plus bénéfique ! C’est vraiment un beau cadeau que la nature nous a fait là ! Oh, d’ailleurs, je vois un mini arc-en-ciel, sur le lac ! C’est joli. J’adore l’enchevêtrement de couleurs que ça donne ! Et si je tourne un peu la tête, ça change complètement ! Moi j’aime l’eau, j’aime le feu, mais les deux mélangés, ça rend magnifiquement super trop bien (expression un peu gamine, mais que voulez-vous, j’aime pas trop tergiverser et m’exprimer en termes légèrement trop prétentieux et pompeux, comprenez-vous ?(voyez c’que ça donne, c’est pas top, hein ?)).

Elle a vraiment de jolis yeux…En tout cas, ça va super bien avec ses cheveux ! Elle est quoi ? Sûrement pas japonaise ! Bof, elle doit être du nord, mais pas du même que le mien…Tiens, au fait, puisqu’elle m’a l’air bizarre, peut-être qu’elle aussi a un pouvoir ? M’étonnerait. Ça serait énorme, quand même ! j’en ai croisé qu’un qu’avait un « don » qu’il a reçu lors de cette foutue nuit, avec la Lune colorée, et tout et tout…Bof, c’est pas très intelligent de lui demander…surtout que si elle en a pas, elle va peut-être me prendre pour un fou ou un malade, et si je lui montre, ça va être encore pire ! Cela dit, si elle en a un, j’suis curieux de savoir lequel ! Honnêtement, j’ai déjà eu assez d’ennuis avec le mien pour lui montrer…

Qu’est-ce qu’elle fait ? Ah, elle pose son MP3…ou 4, j’en sais rien. Elle la pose sur le sol et…mais qu’est-ce qu’elle fout ? Voilà qu’elle enlève ses godasses, des converses, je crois ? Tiens, elle a des chaussettes « excentriques » ! Attends, attends, elle va quand même pas se baigner devant moi ? J’espère pas…Quoique…dans un sens, j’espère (bah oui, mais aussi, allez prétendre que vous n’en feriez pas autant !). Bah en fait, elle retire juste sa veste…et…tiens ? elle s’arrête à quelques mètres du bord… ! Elle est vraiment mignonne…

- Alors, tu viens ? qu’elle dit avec un grand sourire. L’est beau, son sourire, d’ailleurs ! Elle est de plus en plus mignonne…Elle se passe la main dans les cheveux.

– Ça ne se refuse pas, ça ! que je réponds en lui rendant son sourire.

Je me déchausse…bah oui, je porte des chaussettes noires sous mes bottes noires ? Et alors ? Avec un œil rouge et un œil vert, c’est difficile de faire « assorti à mes yeux », voyez ? Vous m’imaginez avec une botte verte et une botte rouge ? J’aurais l’air d’un gros débile ! Encore que pour les chaussettes, ça peut être marrant…Bref, j’enlève mes bottes et mes chaussettes, et puis je vais la rejoindre. Je m’accroupis au bord, et je trempe mon doigt dedans, pour évaluer la température…Douze degrés…Pour un russe, c’est chaud, comme température ! Une fois, je me suis baigné dans une eau à moins deux ! Si c’est possible, mais seulement si elle est salée…’fin j’vous raconte pas la gelée que j’me suis pris, ce jour là ! J’me retourne vers Keyla et je lui fais un clin d’œil avant de faire un joli saut de l’ange. Elle est vraiment bonne ! L’eau, hein, pas Keyla ! Quoique…Bref, je me mets debout dans l’eau, et je lui dis :

- A mon tour : « alors, tu viens ? », dis-je avec un petit rire.

Je lui lance un new clin d’œil, et puis je commence à nager…Mes vêtements seront trempés, bah c’est pas grave ! En tout cas, ils m’attirent vers le fond, c’est plutôt agréable. J’adore me baigner, décidément…même si une eau à douze est toujours plus agréable qu’une eau à zéro ou même à moins deux ! (ouais, je sais, j’me la pète un peu, mais c’estoy-t-une expérience pour le moins…revigorante ! Je m’arre^te un instant, battant des pieds pour rester la tête hors de l’eau, pour lui laisser le temps de remonter jusqu’à moi.

«All I want is a little of The good life . All I need is to have a good time .. »

- A mon tour : « alors, tu viens ? »

- Si tu insistes !

Je plonge tête la première dans l'eau ce qui met un peu d'ordre dans ma tête. Je ne peux m'empêcher d'ouvrir les yeux sous l'eau.

Au fond, j'arrive à distinguer quelques poissons de diverses tailles, se planquant derrière le corail coloré. Je savais que j'avais une tête à faire peur, mais à ce point ? Mais non je plaisante, et tant qu'à faire, j'en profitais du peu d'oxygène qu'il me restait dans mes poumons pour m'enfoncer jusqu'à attraper un superbe coquillage noir incrusté de petites pierres argentés. Arrivée à la surface de l'eau j'inspire profondément avant de jeter un petit coup d'oeil à ma trouvaille : elle était beaucoup plus petite que ce qu'elle paraissait sous l'eau, m'enfin, j'avais complètement oublié ce détail, après tous mes profs de physique s'arrachaient les cheveux à chaque fois qu'ils passaient à la maison me donner cours. Après l'avoir brièvement montré à Lorgan, je la glisse dans mon T-shirt blanc en espérant que les microscopiques cellules d'H2O ne me la piqueraient pas.

En y réfléchissant bien , je caractérisais le jeune homme automatiquement de pensionnaire or je n'étais même pas sûr qu'il résidait à Tsuruko. Il faut dire que la plupart des ados de la régions viennent tous de là, mais bon, je n'en pouvais pas vraiment en être certaine.

- Au faite, toi aussi t'es au pensionnat Tsuruko ?

J'aurais même dût commencé par là, plutôt que de déblatérer sur la pluie et le beau temps. D'ailleurs, en parlant de ça je commençais à avoir légèrement froid. Je me rapprochais de Lorgan et la nage me réchauffait quelque peu. J'en profitais pour admirer une nouvelle fois ses yeux dans les rayons du soleil avant de détourner la tête car je savais qu'il ne fallait pas trop dévisager les gens ce qui pouvait être une marque d'un profond irrespect.

Spoiler:

Elle va me rejoindre. Tiens, elle plonge pour prendre…un coquillage noir ! Elle y jette un coup d’œil, me le montre, puis le range sous son T-Shirt. Je me mets sur le dos pour faire la planche. Je lui jette un coup d’œil. Elle semble réfléchir, puis elle me pose finalement une question :

- Au faite, toi aussi t'es au pensionnat Tsuruko ?

Au moins, elle y va pas par quatre chemins ! Tant mieux, j’aime bien les gens directs : ça évite les ambiguïtés…Bref, je me demande ce que je vais lui répondre. C’est pas dans ma nature de répondre laconiquement, alors vaudrait mieux que je lui dise plus précisément pourquoi je suis venu. Et puis si elle fait pas partie du pensionnat, elle pourrait me soupçonner d’être un dingue ! C’est peut-être pour ça qu’elle me pose la question. Dans ce cas là, faut que j’évite de parler de mon don…Je réfléchis encore. Tiens ? Elle frissonne ? Elle a froid, sans doute…Elle se rapproche de moi, je me remets en position verticale. Elle me dévisage longuement. Je crois que mes yeux sont vraiment très bizarres ! Si elle me pose la question, c’est qu’elle fait sûrement partie du pensionnat…En tout cas, pour ce que j’ai pu en juger, les gens du coin n’ont pas l’air d’être au courant des pouvoirs étranges que manifestent les pensionnaires…contrairement aux pensionnaires eux-mêmes ! Donc, je peux lui confier que j’ai un pouvoir en toute confiance. Mais je ne suis pas sûr que les pensionnaires aient des dons…Et même si c’était le cas, ils n’en ont pas forcément tous, et cette fille n’en a donc pas forcément non plus. Elle a détourné le regard. Dommage, j’aime bien ses yeux. Même si elle n’a aucun pouvoir, il y a une probabilité élevée pour qu’elle sache qu’il existe des gens avec des pouvoirs. Enfin, de toute façon, on m’a seulement dit qu’au Pensionnat Tsuruko, il y avait des rumeurs comme quoi il y aurait des gens comme moi…enfin, avec des pouvoirs, quoi. Je rassemble mes pensées une dernière fois, avant de lui donner – enfin, me direz-vous ! mais essayez de prendre une décision pareille, avec toutes ces possibilités et ces probabilités – de lui donner, disais-je donc, ma réponse :

Ouais, je suis au pensionnat…je marque une légère pause, avant de reprendre : J’ai entendu dire qu’il y avait des gens aux pouvoirs étranges, dans ce pensionnat…Genre, des créatures bizarres ou des humains qui maîtriseraient comme ça le feu, l’eau voire le temps, ou qu seraient capables de lire dans tes pensées…ce genre de trucs ! Du coup, je me suis dit qu’un endroit pareil serait bien pour un type comme moi, qui a…

La vache ! J’ai failli me trahir ! Encore un peu et je lui disais que j’avais le pouvoir de contrôler le feu ! Mais j’i comme l’impression qu’elle va pas me lâcher avec ça ! Bah au point où j’en suis…Il vaut mieux que e lui dise…Mais dans l’eau, je suis pas dans mon élément, et au sens propre, encore !

…qui a le don de contrôler le feu laissai-je tomber en ouvrant ma main et en faisant apparaître une flamme au-dessus de l’eau.

De toute façon, ce don ou cette malédiction, parfois, ma attiré tellement d’ennuis, que s’il devait m’en attirer d’autres, autant que ça soit le plus tôt possible. Je regarde dans ce que j’appelle le « cœur de la flamme ». Je regarde cette puissante et fragile lumière. Elle pourrait détruire tout le pensionnat et ses environs, et pourtant si j’abaisse ma main de vingt centimètres, elle meurt ! A quoi tient donc cet élément si destructeur ? Cette puissance incarnée. Je sens un sourire d’enfant remonter sur mon visage. J’aime tellement regarder cette flamme que j’en ai oublié la présence de Keyla je la lève vers le Soleil, et je la contemple sans ressentir le moindre mal à l’œil. J’ignore pourquoi, mais je n’ai jamais eu le moindre problème à regarder le Soleil en face, sans même plisser les yeux. Il n’empêche que c’est tellement beau, cette lumière au cœur de la lumière ! Punaise ! J’ai oublié Keyla, effectivement ! J’éteins la flamme en fermant le poing, puis je la regarde dans les yeux. Je ne dis rien. C’est rare, les occasions où je trouve plus mes mots. Curieux de voir comment elle va réagir. Je sens encore mes pieds battre dans l’eau. Curieux que je sois un excellent nageur et que je sache contrôler le feu. Peut-être une histoire d’équilibre…

« Hey street boy whats your style, Your dead end dreams dont make you smile .. »

- Ouais, je suis au pensionnat... J'ai entendu dire qu'il y avait des gens aux pouvoirs étranges, dans ce pensionnat...Genre, des créatures bizarres ou des humains qui maîtriseraient comme ça le feu, l'eau voire le temps, ou qu seraient capables de lire dans tes pensées...ce genre de trucs ! Du coup, je me suis dit qu'un endroit pareil serait bien pour un type comme moi, qui a...

J'avais finalement raison. Il avait lui aussi un don assez particulier, tout comme moi. J'essayais de ne pas faire attention au terme "créatures bizarres" qu'il venait d'employer, mais après tout, c'était vrai. Une bête de foire, voilà ce que j'étais. Je secouais la tête distraitement en me mordant la lèvre tellement fort que je sentais le gout désagréable du sang dans ma bouche : je mettais promis de ne plus penser comme ça depuis mon arrivée au pensionnat. Après tout, s'apitoyer sur son sort ne servait à rien, mis à part à perdre son temps. A perdre un temps précieux que l'on n'aura pas deux fois. On finira tous par crever, peut importe la vie dans laquelle nous sommes nés, alors même si la vie nous emmerde, autant en profiter à fond. C'est grâce à ça que j'ai réussis à survivre parmi les êtres, disons normaux qui peuplaient mon quotidien.

- ... qui a le don de contrôler le feu

Je lui adresse un sourire rassurant. Je n'allais tout de même pas le rejeter alors qu'il était comme moi .. le don de contrôler le feu : j'avais été suffisamment attentive pour comprendre que seuls les éléments (comme moi) pouvaient contrôler ... bah, un élément. Ce n'est qu'au moment ou un sourire s'étalait sur son visage, le faisant rajeunir de quelques années, que je n'ai pas pu m'empêcher de m'approcher de lui pour l'enlacer. Mes bras autour de lui, je me sentais de plus en plus coupable, n'arrivant toujours pas à comprendre mon geste. Au bout d'un petit moment, je reculais nerveusement, tout en passant une main dans mes cheveux.

Ma main d'une blancheur effrayante au-dessus de l'eau, j'arrive à maintenir une boule d'un bleu vif d'électricité, aussi pure que si elle venait de sortir d'une prise de courant. Et dire qu'il suffisait ... d'un faux mouvement, d'une baisse de concentration, ou bien d'une brode de vent, pour que tous les êtres vivants aux alentours se prennent en pleine tronche 200 volts avant de crever dans d'atroces souffrances, laissant une odeur putride de chair carbonisée derrière eux. J'en avais des frissons, et pourtant la petite lumière bleutée aux creux de mes mains luisant encore. Je levais également ma main vers le Soleil pour admirer les différentes teintes que prenait l'élément au Soleil. Puis je repliais les doigts sur ma paume, avant de baisser la main dans l'eau.

- C'est pas aussi cool que le tiens, mais bon, on fait avec ~

Dis-donc, plus je la vois sourire, plus je me dis qu’elle en a un joli (de sourire). Attends, attends, attends ! Wait wait wait ! Mais elle est en train de me serrer dans ses bras ou j’hallucine, moi ? Ben mon vieux, si après ça je dois contrôler mes hormones… ! Enfin bref, je me demande pourquoi elle fait ça ? Sûrement pas parce qu’elle aussi fait partie du pensionnat ? Elle a peut-être un pouvoir, elle aussi ? Mais non, la coïncidence serait quand même assez abusée…Bah, on verra bien…Toute façon, même sans ce pouvoir, je suis déjà assez strange comme ça ! Enfin, bref, je comprends pas vraiment pourquoi elle fait ça ! Tiens elle s’écarte ? dommage, c’était plutôt agréable. Elle se passe un main dans les cheveux – qui ont très jolis, d’ailleurs ! Quand même, je comprends pas vraiment pourquoi…Qu’est-ce qu’elle fait ? Nom de…De l’électricité sort de sa main ! Elle contrôle la foudre ! Elle contrôle la…

- C'est pas aussi cool que le tiens, mais bon, on fait avec ~

Elle a levé la main pour l’observer au Soleil…Attends, mais il suffit qu’elle la laisse tomber et je suis foutu, moi ! Cela dit, si je foutais le feu au lac, au sens propre (parce que oui, c’est possible, au niveau moléculaire), y’a pas grand-chose qui survivrait…la même si je réchauffais simplement le lac de 70 °C… Bah, au pire, c’est pas grave, elle a enlevé la boule d’électricité, maintenant…Cela dit, j’en suis encore complètement abasourdi… Tellement heureux, aussi !

Alors, tu contrôles l’électricité ? C’est…waouw ! C’est cool !

Je la regarde. Je me rends pas compte, mais je dois avoir les yeux pleins d’admiration… J’aime les éléments en général…Le feu particulièrement, mais n’importe quel élément me convient…Je suis vraiment, vraiment content pour elle…Et un peu triste, aussi…sa vie a pas dû être simple…Comme la mienne. Les gens différents sont en général rejetés, sauf par leurs semblables…Je ne sais pas trop quoi faire…Je me remets en planche, observant le ciel, et réfléchissant. Je me demande bien quoi fair. Au final, je tourne la tête, vers elle, et je lui dis :

Tu sais s’il y en a d’autres ? Des gens comme nous ? Ou des créatures pas humaines ? . Je marque un légère pause avant de reprendre, comme pour me justifier : Parce que j’ai rencontré, dans la forêt, une fille qui avait des oreilles très longues, et vertes au bout…elle m’a dit qu’elle était pas humaine, c’est pour ça, ça m’intrigue…

Je sais pas si j’ai bien fait de poser cette question…Mais en même temps, c’est tellement intriguant, je pouvais pas trop m’en empêcher…Qui sait, je vais peut-être rencontrer des créatures bizarres comme des Vampires…ou des Zombies, ou je sais pas quoi d’autre…Je me demande bien à quoi elle pense en ce moment… Contrôler la foudre ! c’est encore plus instable que le feu, ça ! Je me demande bien comment elle va réagire à ma question. Décidément, j’ai toujours manqué de tact ! j’espère que je l’ai pas froissée…Ce serait dommage de vexer une des rares personnes qui soit comme moi ! Enfin, pas tout à fait, puisque elle est une fille, pas russe, pas albinos, pas balafrée et pas vairon ! Tant mieux pour elle, j’ai envie de dire, parce que c’est déjà assez dur comme ça quand des fanatiques te poursuivent en hurlant qu’on va brûler le gamin monstrueux qui contrôle le feu ! Tiens d’ailleurs, elle est de quoi comme nationalité ? Pas asiatique, ça c’est sûr, ni africaine…je dirais européenne du nord, peut-être scandinave. Faudra que je lui demande. Heureusement que je maîtrise plusieurs langues ! Cela dit, ça m’empêche pas de préférer les maths, et la physique, toussa toussa. Faut vraiment que j’arrête de détourner mes pensées, moi. Quand même, je me demande bien s’il y a une explication scientifique à propos de cette Lune…Mais ça m’étonnerait. J’ai jamais vu aucun scientifique contrôler le feu, ou la foudre. Quant à avoir les oreilles de Lalwende, j’en parle même pas… ! L’eau est finalement assez chaude, quand je repense à ce que j’ai connu en Russie. Bah, au pire, je peux la réchauffer…Maintenant que je connais quelqu’un qui a le même pouvoir que moi, je peux ne plus faire attention constamment à ne pas m’en servir. C’est très reposant ! Enfin, contrôler le feu est assez pratique quand on est en fuite dans le nord de la Russie en plein hiver… Bah, je suis sans doute un peu pessimiste, des fois… Mon pouvoir est pas tant une malédiction que ça, finalement. Enfin, c’est sûr qu’à l’époque, je me disais pas ça… Enfin, bref, tout ça pour dire, pour la première fois depuis…pfou ! plusieurs mois, voire plusieurs années, je me sens soulagé…

«No one would ever change this animal I have become .. »

- Alors, tu contrôles l'électricité ? C'est...waouw ! C'est cool !

On m'a rarement sortie ce genre de remarque sur mon pouvoir. Un regard dégouté, effrayé ou bien navré de la part de mes proche ça, je l'avais vécu. Mais une interjection pareille, c'était une première pour moi. Sur mon visage aussi clair que l'eau dans laquelle nous nous baignions, se dessinait un sourire aussi sincère que surpris. Et c'est le regard perdu dans le lac, qu'un flashback passait soudainement devant mes yeux, tel un film en version accélérée.

« - Maman, je peux aller chez Caroline pour le gouter ? S'il te plait maman !

Un écho dans mon crâne et une gamine, haute comme trois pommes et qui suce encore son pouce, se tenait derrière une femme d'une beauté à couper le souffle. En m'approchant et en la détaillant, je finis par la reconnaitre : cette bombe était enfaîte ma mère, avant ses nombreuses chirurgies. Dans mes souvenirs flous et enfouis, elle n'était pas aussi jolie et pourtant elle se tenait devant moi. Je levais un bras pour la toucher, elle et sa peau brillante sous l'éclat des lumières allumées en pleine journée, mais ma main traversait son corps comme ... à vrai dire, je ne voyais pas vraiment à quoi cela pouvait ressembler à part de l'eau, comme celle ou mon corps était plongé, contrairement à mon esprit qui voyageait quelques années en arrière. Et la gamine, avec ses cheveux blancs et ses étranges grands yeux verts ... C'était moi.

- Non ma chérie, ton père ne va pas tardé à rentrer. Mais si tu veux, on peut aller tous les trois au parc manger une glace.

Aussi étrange que cela puisse paraitre, j'avais complètement oublié les détails de cette scène. Principalement le fait que ma mère était encore une femme aimante à cette époque, et non le vieux bout de plastique lisse qu'elle était devenue à présent. Elle se baissait pour tenter d'embrasser la gamine, mais cette dernière l'esquivait, apparemment vexée du refus radical et lui tirait la langue. Quelle ingrate je pouvais être. Je tuerais pour revenir à cette époque, et recevoir cet ultime baiser : car c'était en effet le dernier que j'allais recevoir de sa part. Les poings et les yeux fermés, la petite hurlait de toute la longueur de ses cordes vocales. Mais une chose s'accompagnait à sa petite crise puérile, qui n'était pas dû aux décibels désagréablement aigus qui s'échappaient de sa gorge : les ampoules explosèrent une à une, tandis que les morceaux de verres s'éparpillaient dans un bruit sourd sur le sol.

Ma mère se retournait vers moi, enfin la petite moi aussi surprise qu'elle, les yeux écarquillés en deux soucoupes aussi grandes que des assiettes à fromages. Elle fait tomber le vase qu'elle avait dans les mains en tremblant de tous ces membres, terrorisées ... par son propre enfant. Elle murmure à travers ses spasmes tout en s'appuyant sur le dossier d'une chaise :

- Ce ... c'est ... c'est pas ... la première fois que tu fais ça ... la dernière fois ...

La mini moi ne sait apparemment pas quoi répondre, car d'après mes souvenirs elle ne comprend pas la situation et plus important, la réaction de sa mère. Cette dernière n'était pas croyante et pourtant, elle était d'une superstition maladive. Une enfant aux pouvoirs hors du communs devant lui sembler démoniaques. La gamine toujours surprise, tentait d'analyser les mots de sa mère : La dernière fois. Elle devait surement parler du soir ou la superbe lune bleue était apparue à sa fenêtre et qu'elle avait malencontreusement court-circuité la radio du salon. Et ce n'est qu'à ce moment que je me souvenais des évènements précis de cette journée qui hantait mes cauchemars. La femme, le visage déformé par la fureur, l'agrippait par les cheveux pour l'entraîner de force dans sa chambre et l'enfermer, sans oublier de cracher à travers les hurlements douloureux de la petite :

- C'est impossible ! Qu'ai-je fais pour mériter une horreur pareille ! Un monstre !

Un monstre ... Voilà ce que j'étais et c'est ce que j'allais rester à ses yeux pour le reste de ma vie. Cette scène m'avait tout de même apporté quelque chose de plus, un détail précis : J'avais détruit ma propre famille. Leur changement soudain, les amants, l'indifférence et tout le tralala qui suivait .. C'était à cause de moi. Je m'étais toujours posée la question, cette question fondamentale qui avait changé ma vie : J'avais changé ma vie. Ou plutôt j'avais tout foiré. »

- Tu sais s'il y en a d'autres ? Des gens comme nous ? Ou des créatures pas humaines ? Parce que j'ai rencontré, dans la forêt, une fille qui avait des oreilles très longues, et vertes au bout...elle m'a dit qu'elle était pas humaine, c'est pour ça, ça m'intrigue...

Retour à la réalité, étrangement moins dur que mes souvenirs. J'étais toujours dans l'eau et ma peau commençais à se friper comme la peau d'une vieille femme portant sur son corps les marques de la vie. Je ne sais pas si c'était le temps qui s'était rafraichis ou bien le simple fait d'avoir pensé à quelque chose qui m'était plus ou moins douloureux : j'eus un frisson durant un quart de seconde, les bras serrés contre ma poitrine. Plutôt la deuxième option, car j'avais été confronté à pire, niveau température ... après tout, j'étais suédoise. La voix de Lorgan me réveillait de ma sorte de transe et je ravalais mes larmes avant de lui répondre :

- Comme nous ... ? Oh oui, y a pas mal de gens comme nous dans le coin, ou bien comme nous, mais différents si tu vois ce que je veux dire. Excuse moi, j'ai du mal à m'exprimer.

Je regardais la berge discrètement me demandant s'il valait pas mieux y retourner pour me sécher et me changer, mais je ne voulais pas laisser mon camarade seul dans l'eau. Ma bonne humeur initiale m'avait totalement abandonnée ... Mais j'essayais tout de même de sourire, cachée derrière mon masque de cire humaine : le monde est fait de toute sorte et quel que soit notre passé, il fallait toujours afficher sur notre visage, un hypocrite sourire montrant que l'on était heureux dans le meilleur des mondes. Valeurs et société de mes deux. Marginale, moi ? Ça reste à voir.

HRP:

Elle a vraiment un beau sourire ! Elle a l’air surprise… faut dire que je la comprends.. on m’a pas souvent dit que mon pouvoir était cool.. ; En général, on essayait plutôt de me noyer, histoire que je n’attire le malheur sur les autres… Enfin seulement les plus arriérés…les gens plus sensés se contentaient de me foutre dehors ou d m’engueuler à tout va pour que j’aie pas envie de rester…c’est dur, ça, quand on est gosse…

Tins ? elle a l’air perdue dans ses souvenirs ? Pas très agréables, les souvenirs en questions, vu la tête qu’elle tire. En même temps, faut dire que je la comprends… les gens comme nous ont pas souvent le droit à une existence paisible ! Et encore, on est au XXIe siècle ! Au XVIe, on risquait surtout de se faire cramer pour sorcellerie…moi rien qu’avec l’œil rouge, j’en ai mangé, de regards surpris et haineux de la part des fanatiques de la religion…de n’importe quelle religion, d’ailleurs !

J’ai l’impression qu’elle va se mettre à pleurer…j’ai jamais été très doué pour consoler les gens. A ma décharge, c’était toujours moi qu’il fallait consoler, aussi… Non, je crois qu’elle s’est ressaisie…

- Comme nous ... ? Oh oui, y a pas mal de gens comme nous dans le coin, ou bien comme nous, mais différents si tu vois ce que je veux dire. Excuse moi, j'ai du mal à m'exprimer.

Ouais je comprends. Ça veut dire qu’il y a d’autres gens que nous qui ont des pouvoirs, mais des pouvoirs différents…comme elle qui contrôle l’électricité alors qu moi je contrôle le feu. C’est semblable, mais différent…Comme une sorte de pouvoir-frère. Je sais, j’ai des comparaisons et des expressions bizarres…

J’ai comme l’impression qu’elle a plus très envie de rester avec moi. Comme si elle voulait rester seule un moment. Vu comment elle regarde la berge, ça doit être ça… Bizarre, elle m’envoie un sourire. Ah, oui, je comprends, elle préfère cacher sa peine plutôt que de s’effondrer devant moi. j’ai souvent fait ça, moi aussi…

Je soupire, puis : Je comprends…Vas-y, si tu veux… Moi, je reste me baigner un peu…

Je regarde le Soleil, en face, sans même plisser les yeux. Je n’ai jamais eu aucune difficulté à regarder une lumière, fût-elle aussi vive que celle de « l’astre du jour ». Encore un truc qui m’a valu pas mal d’ennuis quand j’étais pus jeune…Enfin, ça a eu pour avantage de pas me gêner quand je me suis barré dans la Sibérie… pas mal de gens auraient pu devenir aveugles à force de contempler la neige…pas moi.

Je souris une dernière fois à Keyla, avant de plonger dans le lac. Attention à ne pas plonger trop loin, la pression peut être assez dangereuse… Je suis vraiment désolé pour elle, mais j’ai vraiment jamais su comment consoler quelqu’un… Je dois sans doute passer pour un gros rustre, mais qu’est-ce que j’y peux ? On verra bien. J’espère que je la reverrai.

Je remonter à la surface pour aspirer une grande goulée d’air. Les yeux encore mouillés, je vois tout trouble. J’ai froid. C’est étrange, j’ai connu bien pire, étant donné que je suis né en Russie et que j’ai traversé la Sibérie… L’eau est fraîche, mais pas glaciale, loin de là. J’ai froid. C’est bizarre. Je me mets à repenser moi aussi à mon enfance…Tous ces flashes qui me reviennent en tête…

Moi, gamin, poursuivi, par des gosses qui veulent me fourrer la tête dans la mare glacée. Mes parents, essayant de me défendre sans entacher leurs relations avec les autres villageois. Mon grand frère, qui a essayé de me protéger. La Lune, qui m’a donné ces pouvoirs, à moi et à mon frère…ce foutu incendie qui a tué mon père et ma mère. Mon frère et moi, qui traversons la Sibérie…Mon frère, mort gelé dans un tempête de neige. Le pensionnat, une sorte d’Eden pour moi… j’ai de plus en plus froid.

Je m’ébroue et continue à nager. J’ai froid…

HRP:

« Kazaritsukenaide kono mama no watashi de ikite yuku tame, Nani ga hitsuyou .. »

- Je comprends…Vas-y, si tu veux… Moi, je reste me baigner un peu…

Un nouveau sourire avant de retourner au bord du lac, allongée sur le sol en admirant le reflet du soleil sur l'eau claire. Je détestais bronzer, ou du moins je n'y portais pas vraiment d'importance; n'étant pas vraiment le genre de fille à se prélasser toute la journée sur une chaise longue, afin de prendre des couleurs qui donnaient un air exotique. La seule chose que j'allais chopper de coloré à cet instant précis, c'était plutôt un coup de soleil écarlate qui allait me coller à la peau pendant une bonne semaine. Mais j'étais tellement bien, les rayons sur les pores de mon épiderme, chauffant ma peau humide. C'était assez agréable et je fermais les yeux, la tête vers le ciel semblant attendre un signe divin. Lorsque j'ouvrais les yeux, Lorgan admirait également le soleil. Mais à la différence, ce dernier gardait les yeux ouverts : l'étoile jaune ne semblait pas lui abîmer les yeux. Contrairement à moi qui malgré mes yeux fermés, j’apercevais des tâches de toutes les couleurs qui se promenaient dans mon champ de vision.

Encore un sourire à mon intention et le jeune homme plongeait dans les profondeurs. Cette journée devenait un peu trop bisounours à mon goût, même si un sourire était l'un des plus beaux cadeaux que l'on pouvait faire à un être humain, enfin d'après moi. J'attendais que le Soleil sèche mes jambes encore mouillées afin d'enfiler mon slim, qui m'attendait sagement sur la berge depuis que j'avais cédé à mes envies et plonger dans ce lac si attrayant. Rien dans les mains, j'essayais de m'occuper en dessinant sur le sol du bout des doigts. Les traits petit à petit se rassemblaient pour former à première vue ... des vaches. Mon subconscient avait un étrange sens de l'humour et j'effaçais avec la paume de la main mes croquis étranges s'approchant plus à un culte satanique qu'un gribouillis dessiner à la va vite pour passer le temps.

J'entendais en arrière plan Lorgan prendre une grande inspiration avant de nager, une lueur familière dans les yeux que j'arrivais à distinguer de là ou j'étais. J'aimais pas trop ce genre de situation, même si cela m'arrivais souvent; le fait d'avoir une absence et de penser à un souvenir pas forcement happy, je vois que mon nouvel ami n'avait pas eu une vie aussi facile que la mienne. Quelle égoïste je fais.

Je me redressais sur mes genoux, le cul toujours sur le sol, dans une position des plus inconfortables ... pour une personne normalement constituée, ce qui n'était pas mon cas. Je fermais les yeux pour me concentrer sur mes cordes vocales. Chanter devant un public n'était pas vraiment mon truc ... Tout compte fais, c'était pas mon truc tout cours, mais je ne savais pas vraiment pourquoi j'avais envie de sortir tout ce que j'avais sur le cœur. Ma première et seule composition que j'avais écrite défilait dans ma tête et au fur et à mesure, j'accompagnais les notes s'échappant de ma gorge par une soupe incompréhensible de mots en japonais et en anglais, n'ayant pas encore écrit les paroles. Au tout début, je fredonnais en secouant ma tête d'avant vers l'arrière en rythme, puis ma voix se fortifiait, pour être ainsi entendue par la vie animale aux alentours. Si j'étais un ours, j'aurais déjà bouffer l'être humain qui aurait perturber mon sommeil avec sa chanson toute droit sortie d'une tragédie, en l'occurrence, moi.

Une fois terminée, je me reposais en courbant le dos, la tête vers le sol. J'attrapais mon slim et en sortait un paquet de Gitane, la coinçait entre les dents avant de l'allumer avec mon briquet Punk rock should mean freedom. Ce n'est que lorsque je commençais à avoir de plus en plus mal à la tête que je me rendais compte que je n'avais pas écouté de musique depuis un petit moment déjà, mais j'avais la flemme d'attraper mon Ipod, endormis à quelques mètres de ma portée. Je tirais une longue latte, le filtre toujours entre mes dents, avant de souffler la fumée en fermant les yeux.

- Piouf, ça fait du bien de chanter en plein air. Je te dois un service, après t'avoir abimé les oreilles

Elle est retournée au bord du lac, et elle s’habille, maintenant. Vraiment, je déteste penser à mon enfance. C’est pas dans ma nature, voyez-vous… je suis toujours joyeux, toujours sympa… Et pourtant, j’en ai mangé quand j’étais gosse. Mais faut croire qu je suis plus résistant que je ne le pense. Après tout, autant rester joyeux et sympa tout le temps, dès que les gens voient que vous avez vécu assez difficilement, ils ont plus tendance à vous consoler qu’à vous dire « bien fait pour ta gueule »…Je sais que je suis gamin, mais que voulez-vous, je suis comme ça et j’y changerai sans doute jamais rien…

Pour l’instant, je préfère la laisser peinarde, c’est toujours mieux… En tout cas, c’est ce que j’ai senti chez elle quand ses yeux ont parlé pour elle… Je crois qu’elle non plus a pas eu une vie simple…et après tout, les gens « comme nous » ont à mon avis pas eu une vie simple, jamais…

Tiens ? elle chante. Je me rapproche de la berge avec une brasse discrète, afin d’entendre la musique ; elle chante bien. Par contre, je comprends rien aux paroles. J’ai l’impression qu’il y a de l’anglais et du japonais… Au pire, c’est pas grave. Je sais chanter, plutôt bien. C’est pour ça que j’apprécie d’entendre quelqu’un chanter…

Elle a l’air de s’éclater. Ça doit être ça que je ressemble quand je m’amuse à créer du feu… j’ai l’impression qu’elle est autre part, dans une autre dimension. Ouais, je sais, j’ai une âme un peu simple, naïve, gamine, innocente et tout ce que vous voudrez, mais encore une fois, je m’en fous. Je suis comme ça, point barre. Et puis, j’ai déjà assez vu de cynisme comme ça dans ma vie. Alors, autant apprécier l’art avec l’âme d’un enfant, vous croyez pas ?

Elle fume , j’ai trop froid. Je sors, sur la berge, et je me rhabille. J’aime bien mes bottes.

- Piouf, ça fait du bien de chanter en plein air. Je te dois un service, après t'avoir abimé les oreilles

Elle rigole ? C’est vrai que ça a rien d’extraordinaire, mais elle a pas non plu la voix d’une chanteuse d‘opéra…. Faut pas trop en demander, non plus ! Enfin, bon, je me contente de lui sourire.

Je regarde de nouveau le Soleil. J’aime bien regarder le Soleil. J’ai l’impression de voir la lumière arriver, frapper mes yeux, et refluer… j’ai de bons yeux, je vois loin, mais surtout, je ne suis jamais aveuglé. Je claque dans ms mains, et une langue de feu apparaît sur l’eau, qui tourbillonne. Je lui fais prendre une forme droite, et j’ai l’impression qu’elle supporte le Soleil. J’aime bien utiliser mes pouvoirs devant quelqu’un que ça ne choque pas…c’est tellement rare !

Si tu veux, je peux t faire un feu d’artifice pour te remercier de ton joli chant lui di-je alors en souriant.

Pour preuve, je fais partir une fusée de feu verte qui explose en plein ciel.

c’est moins spectaculaire de jour, mais j’adore les deux d’artifices lançai-je avec une joie quasi-enfantine.

J’aime bien remonter le moral des gens. Surtout qu’elle a probablement vécu une vie similaire à la mienne. J’ai beau sourire et rire tout le temps, il n’en reste pas moins qu’il y aura toujours une « étincelle de noirceur dans mon âme de lumière », comme disait mon frangin…

« Is it a spell that I am under .. Keeping me from seeing the real thing ? »

- Si tu veux, je peux t faire un feu d'artifice pour te remercier de ton joli chant

Une magnifique fusée en feu de la couleur de son œil explosait dans le ciel. C'était tellement beau que j'observais le tout, bouche bée. Les feux d'artifices ne représentaient pas grand chose dans ma vie, à part des bons souvenirs. Mais lorsque l'on n'en avait spécialement pour vous, comment refuser ? Je levais les yeux vers le ciel en admirant les étincelles s'évaporer au contacte des nuages cotonneux, les teintant légèrement de vert.

- c'est moins spectaculaire de jour, mais j'adore les deux d'artifices

Il ne manquait que la musique, qui rendait les feux d'artifices aussi spectaculaires, je me levais rapidement et attrapais mon Ipod et tendais mon casque au jeune homme, lançant la lecture aléatoire. Ce dernier affichait batterie faible et j'en profitais pour lui envoyer une petite décharge, le rechargeant de trente pour cent en évitant le court circuit.

C'était si simple, il suffisait d'afficher un banal sourire pour se convaincre soit même que tout allait pour le mieux, car après tout, c'était le cas. A quoi bon se morfondre sur quelque chose qui s'est déjà produit ? A part peut-être se détruire à petit feu. Il me suffisait, juste ... de fermer les yeux et tout oublier, les bons/mauvais souvenirs, pour ensuite recommencer, comme si je venais de naitre, les neurones aussi frais qu'un nourrisson.

Je commençais à avoir des fourmis dans les jambes. Je me levais, non sans confier ma boite à musique électronique à Lorgan, en lui adressant un Je reviens accompagné d'excuses. Je me dirigeais vers un grand arbre, ou étaient gravés sur le tronc les initiales d'un heureux couple, entouré d'un cœur grossier. Je caressais du bout des doigts l'écorce blessée, ou la gravure visiblement faite au couteau s'étalait vulgairement.

Des racines sur le sol tentèrent de me faire trébucher, mais en vain et je m'aventurais derrière le lac, ou les branches s'agrippaient douloureusement dans mes cheveux, semblant me retenir, m'empêcher d'aller plus loin. Plus j'avançais, plus le soleil peinait à briller à travers les branchages des arbres aussi hauts qu'ils touchaient le ciel. Pendant un instant, je pensais m'être perdue, dans une forêt proche du pensionnat, mais ce n'était pas le cas, car cette dernière se situait à quelques kilomètres du lac, assez loin pour que je n'aurais pas pu y accéder en quelques pas.

Je m'arrêtais quelques instants près d'un tronc décapité par un bucheron, observant l'environnement mystérieux et étrange qui m'entourait.

Une coccinelle sur une feuille, une fourmi transportant une noisette sur son dos, un écureuil qui me toisait du haut de sa branche, une araignée tissant sa toile, un gland suicidaire s'élançant dans le vide et un couple de lapins désespérés.

Un mâle et une femelle. Mais quelque chose semblait attirer mon attention parmi ces derniers, en particulier chez la lapine qui ne bougeait plus. Je m'approchais doucement et à ma grande surprise le mammifère ne semblait pas effrayé par ma personne, m'ignorant complètement, mais tremblant de son petit corps. Je posais une main sur le ventre de la femelle, mais elle ne bougeait plus, n'étant plus de ce monde, ayant abandonné le seul animal qui tenait à elle. Je n'étais pas médecin, encore moins vétérinaire, il m'était donc impossible d'en déduire la principale cause de son décès.

J'attrapais doucement l'autre lapin, qui tremblait de plus en plus entre mes bras, mais qui finit au bout de quelques instants à se calmer. Il était d'une magnifique couleur caramel, un peu blanchit sur certains endroits, des poils plus sombres sur la queue et ses grands yeux noirs reflétaient mon visage pâle.

Je me souvenais que j'avais laissé Lorgan près du lac. J'emportais le lapinou avec moi, même si je n'avais pas vraiment une grande passion ou une adoration envers les animaux, n'étant pas le genre de filles à fondre en voyant un chat dans la rue. Je ne savais même pas pourquoi j'avais recueillit la petite bête. Peut-être la simple vision du cadavre de sa compagne m'avait fait de la peine ? Pourtant, je savais bien que ce n'était que des animaux, incapable de penser, de s'exprimer ... mais qu'en est-il de ressentir ? Arrivée près de lac, je me rassis aux côtés du jeune homme, le lapin sur mes genoux.

- J'espère que tu ne fais pas d'allergies aux animaux ~

Et bien, elle a l’air d’apprécier les feux d’artifices. Autant que l’en régale, alors. Enfin, en clair, si je peux la faire aller mieux avec un tour de passe-passe comme celui-là, autant que je m’en prive pas. C’est qu’elle a l’air d’avoir vécu difficilement, la miss… Enfin, ça me regarde pas, donc je vois pas pourquoi j’y pense. Probablement parce que je suis trop curieux. Allez, ferme-la un peu, Lorgan !

Tiens, voilà qu’elle se lève, maintenant ? En même temps, je la comprends, c’est un peu emm…bêtant de se râper les arrondis sur un rocher, ou même sur du sable, même pour admirer un feu d’artifice, fût-il aussi beau que celui que je fais en ce moment. Et bah, elle me confie son…Ipod, ou LMP3, j’en sais rien. A vrai dire, je m’en fous. Elle me le donne, j’en prends soin. Enfin, elle me le donc, elle m’a dit qu’elle revenait, donc, elle me le confie le temps d’aller faire je sais pas trop quoi – qui me regarde d’ailleurs pas, si je me souviens bien.

J’ai l’impression qu’elle a envie d’aller dans la forêt. Je sais pas trop ce qu’elle va y faire, mais ça me regarde pas. De toute façon, elle m’a dit « je reviens », ça me suffit pour me dire qu’elle va se barrer en douce, d’autant qu’elle m’a confié son truc, auquel elle a l’air de pas mal tenir, d’ailleurs. Je déteste les gens qui se barrent en douce. En même temps, je comprends, tu peux pas toujours gagner, donc, des fois, tu te casses avant de te faire maraver. Je le sais, j’ai expérimenté pas mal dans ma jeunesse. Autant que je m’en souvienne pas, c’est désagréable.

Je réfléchis. L’importance du feu. La divinité. La peur, la colère et le désespoir. Tout ça, tout le monde s’en fout. Cela dit, l’importance du feu, elle est valable que pour moi, donc je comprends à peu près que tout le monde partage mon point de vue. Mais franchement, pourquoi les gens ont renié l’existence des êtres tels que nous. Probablement à cause de la peur. Ça me ressembla pas, pourtant, de me faire des cheveux sur des questions aussi philosophiques. D’habitude, je me pose pas de questions, et je vis. C’est peut-être parce que je sais que la pauvre Keyla est passée par les questions existentielles, elle aussi ? Enfin, que j’en ai l’impression, plutôt. Je veux pas me montrer vantard, et ça m’arrive d’avoir tort. Je suis pas un dieu. Mais je peux pas dire « je suis qu’un homme » parce que c’est pas totalement vrai. Je suis plus qu’un homme. En fait, si on y réfléchit bien, les gens comme nous, ce sont des hommes à qui on a confié des pouvoirs divins. Mauvaise idée en général. Les hommes sont pas près à devenir des dieux.

Je me rends compte qu’en fait, j’ai un petit peu trop réfléchi là-dessus, et pas seulement maintenant. Ça me déprime, et du coup, j’ai arrêté le feu d’artifice. Ça fait longtemps que j’ai pas pleuré ; depuis la mort de mon frère, je crois. J’essaye pas de m’en souvenir, j’en ai sûrement pas l’envie, ni le courage.

Ah, bah voilà Keyla qui revient. Elle tient un truc dans ses mains. Un truc brun doré. Elle s’assoit à côté de moi. je dis rien, et je regarde : elle a un lapin sur les genoux. Elle a pourtant pas l’air du genre de filles à s’extasier devant le kawai, comme t’en vois parfois. Enfin, cela dit, je vois pas pourquoi je la juge. Après tout, elle a le droit d’avoir un lapin si elle veut. Et tant qu’à faire, autant en choper un qui soit beau à voir, et pas croulant sous les maladies, galeux, infesté de puces et en train de crever de vieillesse.

- J'espère que tu ne fais pas d'allergies aux animaux ~

Marrant. J’ai jamais croisé beaucoup d’animaux dans ma vie, mais qu’est-ce que tu veux, en Russie, surtout en Sibérie, y’a pas trop d’animaux, du moins autres que ceux qui essayent de te bouffer – et ceux là tu t’arranges pour pas les croiser. Du coup, je sais pas si j’ai des allergies aux animaux.

J’en sais rien du tout. J’ai pas vu beaucoup de bestioles dans ma vie…

Elle me regarde un peu bizarrement. Ou alors c’est moi qui me fait des idées. Enfin, bref, je sais pas si j’ai des allergies aux animaux, mais je sais que les animaux en eux-mêmes me dérangent pas. On a bien été obligé de se faire courser par des loups affamés, alors maintenant, c’est pas un lapin qui va nous faire peur !

Je remarque que sur ma dernière pensée, j’ai mis au pluriel. Faut que je m’habitue à l’idée que je suis seul, maintenant. Comme il disait, mon frangin « Faut que tu fasses ton trou tout seul, Lorgan, moi je serais pas toujours pour toi ». s’il avait su, à cette époque, qu’il disait ça alors qu’il lui restait moins de trois jour à vivre, ça l’aurait fait rire jaune.

Faut vraiment que j’arrête de penser à ça.

«Take me down to the Paradise City, when the grass is green and the girls are pretty .. »

Il m'arrive souvent de perdre ma concentration lors d'une discussion et sans m'en rendre compte, je me mets à observer ce qui m'entoure.

Mon attention se posa sur un papillon, à quelques centimètres de ma chaussure, posé sur brin d'herbe intensément vert qui jonchait dans l'herbe. Sa trompe aspirait les quelque goutte de boisson sucrée qui restait. Ses ailes étaient bleues turquoise avec des bords noirs. Au fur et à mesure qu'il pompait, ses antennes bougeaient en rythme, comme s'il communiquait avec les autres insectes aux alentours. Malgré son extrême beauté, cette petite bête n'avait que quelques jours à vivre. C'était à la fois dramatique et magnifique.

La bestiole dans mes bras ne bougeait toujours pas, à en croire qu'elle avait elle aussi succomber, mais je sentais son souffle chaud sur ma peau ainsi que les battements étouffés de son cœur. Je m'attendais à ce que cette dernière m'abandonne, pour aller vivre sa vie en solitaire dans la vaste foret qui s'étendait près du lac, mais visiblement pas. Enfin bon, c'est pourtant ce que l'on voyait dans les documentaires à la télé.

- J'en sais rien du tout. J'ai pas vu beaucoup de bestioles dans ma vie...

Je me sentais moins seule d'un coup, ayant passé ma vie dans ma prison dorée. Les animaux n'étaient pas autorisés à la maison, car évidemment, maman était allergique aux poils, enfin bon c'était ce qu'elle prétendait. A mon avis, c'est surtout parce qu'elle supporte pas les bêtes, inutiles et encombrantes. Même si, je pouvais l'avouer, elle n'avait pas tout à fait tord.

Je m'en étais déjà rendu compte au début, mais le ton légèrement mineur de sa voix se prononçait de plus en plus, comme ci le simple fait de me tenir compagnie le faisait étrangement souffrir, ou bien mes réactions souvent stupides et irréfléchis lui faisaient repenser à un passé douloureux. Un seul mot, égoïste. C'était vraiment ce que j'étais ... moi et mon nombril, toute une histoire. Faut dire que si souvent enfermées dans ma piaule, j'avais appris à ne penser qu'à moi, vu que mes vieux avaient le dons de ne penser qu'à eux. C'est marrant ça, chacune de mes pensées se dirigeaient obligatoirement vers eux. Ils me manquaient peut-être ? C'était possible, après tout, c'étaient mes parents.

Faut dire que ma vie, pas si palpitante, défilait souvent devant mes yeux. Non pas comme le flashback que j'ai eu tout à l'heure, mais plus comme la bande annonce d'un film. Même s'il m'arrivait d'avoir des trous, du genre un blanc en plein milieu d'une scène importante. Pour me rafraichir la mémoire, j'avais toujours mon journal. Tss, ce bon vieux torchon, pathétiquement écrit par une gamine complètement paumée. D'après certaine personne, écrire aide à se réconcilier avec le passé, trouver l'équilibre entre moi et mon passé. Marrant. Je pensais plutôt que c'était le genre de choses que les grandes personnes conseillent à leurs progénitures pour connaitre le fond de leurs pensées ... un cahier, c'est si facile à lire, un visage beaucoup moins, enfin ça dépendait de la personne.

Enfin bon, voilà un parfait exemple, j'étais pénarde en train de penser à Lorgan que j'en revenais directement à moi et à mes réflexions stupides.

Et voilà que j'avais perdu le fil. Son regard toujours aussi triste me ramenait tout de même sur le long chemin tumultueux de mes pensées. Les yeux sont les fenêtres de l'âme. Qui c'est qui avait sortis ça déjà ? Je l'avais vu avec la seule prof de français qui pouvait me blairer, une grosse avec un derrière d'éléphant et des cheveux roux, tartinée de maquillage d'ailleurs. Mmh, je crois que c'était un certain Georges ... quelque chose. Bref, que ce que je m'en foutais, je me souvenais juste que c'était un belge. En tout cas, si son âme était aussi belle que ses yeux, Lorgan serait quelqu'un de tout simplement grandiose.

Je sentais du mouvement entre mes bras et c'était à ce moment que je voyais la petite bête se dégager et s'éloigner pour bouffer l'herbe environnante. Le papillon s'était envolé avant que je ne m'en soit rendu compte. Je croisais les jambes en passant une main dans mes cheveux, c'était vraiment une belle journée; j'avais encore envie de me baigner, mais la flemme de me déshabiller une nouvelle fois. Je me contentais de retirer mes chaussettes et de faire trempette comme une gamine dans une pataugeoire. A vrai dire, la comparaison était plutôt appropriée, j'étais toujours cet esprit beaucoup trop enfantin, enfermé dans ce corps. Weird.

J'ai jamais eu le don d'animer une conversation. Leyana et Alex étaient suffisamment sociables pour le faire à ma place, alors c'était le genre de choses dont je n'avais pas à me préoccuper, enfin jusqu'à maintenant. A présent, j'étais obligée de poser le pour et le contre avant chacune de mes phrases, à part celle que je sortais instinctivement.

- Je suis curieuse. A ton avis que donnerais un de tes feux d'artifices accompagné d'un de mes éclairs ?

Ne me demandez pas comment j'ai eu cette idée. Ça c'est juste ... dessiné dans mon esprit. J'avais jamais tenté un truc du genre, premièrement parce que mon entourage en Suède étaient dépourvus de pouvoirs, mais aussi parce qu'il m'était difficile de contrôler le miens. Comme je l'ai dit plus tôt, la concentration et moi, ça fait deux.

Franchement, je dois avoir l’air ridicule à m’ébrouer comme ça devant elle ! Mieux vaut pas y penser, ça me fait pas envie… Au pire, si ça peut me faire passer mes idées noire, je veux bien avoir l’air ridicule, pas de problème !

Tiens, son lapin se barre. En même temps, il a sûrement envie de manger. Tiens, Keyla a l’air plutôt…bizarre. Pourtant, c’est moi qui dis ça ! Enfin, bref, Keyla a l’air à la fois en train de réfléchir, d’avoir l’air nostalgique, voire triste, et en même temps elle veut sans doute égayer notre conversation. C’est bizarre…

- Je suis curieuse. A ton avis que donnerais un de tes feux d'artifices accompagné d'un de mes éclairs ?

What ? Quelle idée bizarre ! Originale ! j’aime ! Vraiment ! Je sais qu’elle doit me trouver zarb’ à me voir me tourner vers elle avec des yeux ronds comme des soucoupes, mais là…Oh, je sais ce qui va se passer, d’abord le sourire enfantin, puis le rire, explosif, puissant, tonitruant, et pourtant dans le fond « aussi argentin que celui d’un enfant » comme disait mon frère. Je ne rigole pas de l’idée de Keyla parce qu’elle elle serait soit disant ridicule, ou je sais pas quoi, mais juste parce que ça fait du bien de voir quelqu’un d’aussi…bizarre. D’aussi étrange qu moi…et d’aussi cool !

Ouh, je sens même des larmes de rire qu’on coulé sur mes joues. Toujours, souriant, j’me retiens de rigoler, savez ?

Pas mal de trucs, à mon avis. Déjà, un sacré flash dans le ciel…Un joli bruit de déflagration…Pas mal de peur chez beaucoup de gens…et, plus important, évidemment, beaucoup d’amusement pour nous !

C’est parti, et une gerbe de feu, une ! Maintenant, faire apparaître la boule, voilà…elle flotte genre…à trente mètres ? Maintenant, faut « nourrir » la boule. Voilà, elle doit bien faire ses quatre mètres de diamètre, et prête à exploser, la classe ! Excellent. Maintenant…

A toi, Keyla ! On va bien se marrer !

Ready ? Ouaaaah, je vois déjà l’explosion de lumière dans le ciel, rivalisant avec le Soleil, j’entends déjà le tonnerre que ça va produire, le fou rire qu’on aura après…Je vois déjà la lumière se propageant à travers l’air environnant, je sens déjà la chaleur que ça va dégager, je goûte presque cette chaleur.

La boule est super haut, et elle brille de tout ses feux, si j’ose dire. Jeu de mots facile, je sais. On va pouvoir tout destrooooy ! J’espère que y’aura pas trop d’oiseaux dans le secteur, sinon on risque d’avoir pas mal de volailles rôties dans les jours qui suivront ! Enfin, rien que pour ce flash, je regrette pas de l’avoir rencontrée, cette Keyla !

Je me souviens que mon frère disait que quand je manipule le feu, j’ai les yeux qui brillent comme ceux d’un gosse. Ça doit être super vrai, maintenant. Eyh, mibne de rien, maintenir une grosse boule de feu de quatre mètres prête à exploser en suspension dans l’air à trente, trente-cinq mètres de haut, c’est crevant ! Je sens déjà la sueur qui perle sur mon front. Chouette, ça fait longtemps que j’ai pas fait un effort pareil avec mon pouvoir ! Mais n’empêche, si Keyla pouvait se grouiller.
Elle sourit. Je crois que je souris aussi. Je suis tellement dans un état second que je m’en rend même plus compte !

Vivent les délires comme celui-ci, vivent nos pouvoirs ! Quelle phrase débile. Et pourtant, je l’aime bien. Allez comprendre…

«Close your eyes, listen to my voice it's my disguise .. I'm by your side .. »

Tululu, j'avais vraiment des idées étranges parfois ... mais je n'aurais jamais cru qu'il régirait comme ça. Après tout, j'étais habituée aux regards pathétiques et aux rires moqueurs. C'était peut-être à cause de ça que j'avais perdue l'envie de parler en public ?

Ses yeux, gros comme des balles de tennis, pétillaient comme ceux d'un enfant la veille de Noël et son rire résonnait aux alentours, tandis que des larmes fines, à la limite invisibles, coulaient le long de ses joues. C'était si magnifique que ça me fit l'effet d'un baume au cœur et sans m'en rendre compte, je joignis mon rire au sien. C'était vrai que mon idée pouvait paraitre vachement étrange sur le coup, mais bon, j'avais des trucs bizarres qui me passaient par la tête quelquefois, heureusement qu'à ce moment c'était un truc aussi innocent que de fusionner deux pouvoirs ; parce que des fois, c'était pas franchement joyeux ce qui me venait.

- Pas mal de trucs, à mon avis. Déjà, un sacré flash dans le ciel...Un joli bruit de déflagration...Pas mal de peur chez beaucoup de gens...et, plus important, évidemment, beaucoup d'amusement pour nous !

Il fit apparaitre une boule de feu qui flottait dans l'air à une bonne trentaine de mètres au-dessus de nos têtes, qui grossit, grossit, grossit, jusqu'à atteindre un bon deux mètres de rayons, comme un second soleil surplombant le ciel.

- A toi, Keyla ! On va bien se marrer !

J'étais tellement en admiration devant sa création que je restais ainsi, figée, comme une gamine devant une sucette géante, sans la bave bien sûr, il faut pas abuser. J'avais l'impression que la boule montait de plus en plus dans le ciel semblant rejoindre les nuages. Si quelqu'un la voyait, il risquerait de paniquer en se croyant sur une autre planète, après tout deux soleils dans la même journée, c'est sûr que c'était un peu space. Mais bon, il faut dire que j'étais le synonyme vivant de la bizarrerie et je l'assumais. Je fouillais le ciel à la recherche de piafs malchanceux qui risquerait de finir en sauce barbecue d'ici ce soir, mais visiblement, le ciel était aussi dégagé qu'une autoroute à quatre heures du mat.

Je tournais la tête vers Lorgan dont les yeux pétillaient encore plus, le reflet du feu dans ses pupilles, la sueur perlant son front. Et dire que j'allais manquer ça et me morfondre une nouvelle fois dans ma chambre scotchée à ma guitare. Je détestais les regrets, mais de ce côté-là, j'aurais été servie. J'étais tellement perdue dans mes pensées, un sourire stupide collés aux lèvres mais, un sourire sincère, pour une fois. C'était rare que je sorte des sourires qui reflétaient vraiment ce que je pensais, car la plupart du temps, c'était plus pour passer comme quelqu'un de normal ou cacher au plus profond de mon être le fait que certaines choses dans ma vie ne se sont pas passées comme je le désirais.

J'essayais de chasser mes idées noires pour une fois, histoire de pas gâcher ce bon moment comme je le faisais en temps normal et fermais les yeux en me concentrant un maximum. Je levais les deux mains l'une dans l'autre en l'air, paumes vers le ciel tandis que quelques étincelles bleutées apparaissaient au-dessus de ma peau. Je sentais mes cheveux se redresser sur le sommet de mon crâne au fur et à mesure que j'alimentais mes étincelles en volts. Une fois complètement rechargée en électricité, je prenais appuie sur le sol avec ma jambe droite en arrière et légèrement pliée, histoire de ne pas mal visée et de me retrouver avec un incendie sur le dos.

J'espérais que l'on n'allait pas avoir de problèmes au pensionnat à cause de ça. Oh et puis et alors ? Fallait bien s'amuser de temps en temps. J'ouvrais les yeux, le sourire aux lèvres et lâche toute mon énergie d'un coup. Un éclair s'échappait de mes paumes pour se diriger tout droit vers la boule de feu dans un bruit assourdissant, pour venir encercler le second soleil, colorant ses rayons en un bleu électrique. Je gardais ainsi mon filet de voltages autour de sa boule et baissais les bras, essoufflée. Je tenais à peine sur mes jambes, mais le boulot n'était pas encore finis. C'était la première fois que je faisais un truc pareil, mon corps n'était pas vraiment habitué à émettre autant d'énergie. Je levais les bras une nouvelle fois en me tournant vers le jeune homme :

- Prêt ?

Je voyais déjà la superbe explosion que cela allait donner. Comme quoi, ces pouvoirs étaient pas si inutiles finalement.

Et bien. Rien que pour ce sourire, je regrette pas d’avoir accepté l’idée. Pas qu’elle a l’air spécialement malheureuse, d’habitude, mais on dirait qu’il y a toujours une idée noire pour la hanter, quoiqu’elle dise. Je connais ça, ça m’est arrivé. Là, pouf, plus d’idée noire. Classe.

Wow, c’est impressionnant ! Elle s’est levée, genre tranquille et tout, elle a fermé les yeux, et là paf, ses cheveux se sont dressés sur sa tête, à cause de l’électricité statique, y’a eu des éclairs sur tout son corps, et tout. La classe, quoi ! e
‘tain je sens l’énergie qu’elle dégage d’ici ! Avec la chaleur de ma boule et l’effort que ça me demande, je suis en nage ! Mais franchement, je m’en fous. Pourvu qu’on fasse joyeusement tout péter.

Maintenant qu’elle ouvre les yeux, je vois l’éclair qui part vers ma boule. Sauf qu’il rentre pas en collision avec il l’encercle juste. Ouah, ç’est vachement lumineux, ça va vraiment faire un ciel…d’enfer ! Ma boule de feu était orange doré, maintenant y’a du bleu électrique qui s’y joint ? niveau débauches de couleurs et de lumière, j’ai pas souvent vu pire…
J’ai l’impression que ça la crève autant que moi. mais comme elle a l’air aussi contente que moi, voire plus, on s’en fout.

- Prêt ?

– C’est parti !

C’est venu naturellement., spontanément. On augment la pression et on les fait rentrer en collision, puis ensemble, on casse la pression qu’exerce notre pouvoir sur nous. Voilà, comme ça.
Boum. Je vois que ça pour vous décrire l’ampleur du truc. C’est plus une explosion, c’est plus une déflagration, c’est une étoile éphémère. Le souffle de l’explosion a été si puissant qu’il nous a projetés à terre. La lumière se propage jusqu’à travers nos paupières. La chaleur que ça a dégagé…j’ai l’impression que ça a pas mal réchauffé l’atmosphère environnante. On voit du feu et des éclairs partout aux dix kilomètres à la ronde, le ciel s’est embrasé, pire qu’au coucher du soleil !
J’ai vu toute la poussière polluante de la ville brûler…y’a des gens qui ont dû avoir peur. Mettez deux ados avec un super pouvoir chacun, et ils font cramer le ciel. Sans déconner, à nous deux, on a l’impression qu’on pourrait mettre un sacré bordel dans le monde, voire le détruire si on se débrouille « bien ». Comme c’est pas notre but, on s’en fout.

La classe, ce ciel ! Franchement, même le Soleil était pas aussi puissant. Et le cœur de l’explosion…incroyablement chaud et lumineux, un vrai Royaume de Dieu. Franchement, Dieu a dû descendre sur Terre à ce moment précis, c’est pas possible autrement ! C’’était…magnifique ! Une explosion nucléaire à nous tout seuls, pourrait-on dire. Sauf qu’en plus, y’a des éclairs qui sillonnent le ciel en l’illuminant. C’est plus du feu, c’est plus de l’électricité, c’est de la lumière pure.

Le flash met longtemps à se dissoudre. Ou du moins, ça paraît longtemps. Je suis allongé, j’ai les bras en croix, je suis à peine conscient qu’il y a Keyla qui est près de moi et je regarde le ciel. Je suis complètement crevé, et j’ai l’impression que ja vais piquer un petit roupillon ici même. Mais pour ‘instant, j’observe le ciel. Si ça se trouve, le flash a duré une demi-seconde, ou bien une demi-heure, mais moi j’ai l’impression qu’il est éternel.
On peut pas vire sans avoir vu ça ! Le monde paraît bien gris et triste, après cette explosion de puissance lumineuse pure. Belle journée. Oh, oui…belle journée…

«And all the roads we have to walk along are winding .. »

- C'est parti !

J'étais déjà morte de fatigue alors que le plus dur était à venir : les bras en l'air, son signal me fait l'effet de la sonnerie des fins des classes, vous savez, cette douce mélodie que l'on guettait pendant cinquante bonnes minutes. Je refermais une énième fois les yeux avant de pousser au maximum la quantité d'énergie que j'avais stocké durant des années et ainsi entrer en contact avec le pouvoir à l'état pur de Lorgan. C'était chaud, il suffisait d'un seul relâchement de la part de mon esprit pour que tout explose avant le bon moment, en gros tout gâcher dans une tâche qui m'avait déjà pompé pas mal d'énergie.

Et c'est une fois mon seuil de capacité franchis que je pousse de quelques centimètres la ligne psychique qui m'empêche d'aller trop loin et d'y passer, grillée comme un kebab, avant de tout relâcher. J'avais à peine la force d'ouvrir les yeux pour admirer le spectacle.

Ce genre de choses n'arrivait qu'une fois de la vie, du moins, pour une personne normale.

L'explosion me plaquait au sol et je me retenais sur les coudes afin de ne rien rater de la superbe danse céleste qui se déroulait sous mes yeux, c'était si beau que j'en avais les larmes aux yeux, ces dernières pendouillaient sur mes cils en s'accrochant du mieux qu'elles pouvaient avant de sécher face à la température extérieur qui était montée en flèche, pour ainsi ne jamais s'écraser sur ma joue.

Mes paupières se referment instinctivement face à la lumière vive qui explose dans le ciel (enfin explose, je ne sais pas si c'est le bon mot, disons ... flash, ça sonne mieux). Mon cœur suivaient les éclairs qui résonnaient dans le ciel et les étincelles qui volaient dans l'air. C'était juste, trop dingue. Enfin bon, je ne savais pas si c'était parce que j'étais à bout de force et donc, pas dans la position de chercher dans mon vocabulaire un synonyme un peu plus poussé et recherché, que ce mot m'est venu à l'esprit, mais enfaite, je n'avais que ça en tête. Trop fort, et génial. Voilà.

J'ai l'impression qu'en plus d'avoir offert un live gratos aux civils et autres petites bêtes des environs, on avait aussi détruit les particules de pollution qui grisaillait le ciel. Et bien, un beau spectacle et des poumons plus sains, que demander de plus ? Je me sentais de moins en moins coupable, et puis, que ce qu'on s'en foutais ! Le plus important était de profiter, non ? Plutôt que de ressasser ces regrets putrides pendant des heures, profitons du temps qui nous est imparties. Les conséquences, on verra plus tard.

Je ne pensais plus à rien, à rien du tout. C'était le vide dans ma tête, tandis que j'admirais le ciel à présent roux aux petites touches bleues et pour la première fois de ma vie, une fois que les idées pénétraient une par une à la queue leu leu mon cerveau, une phrase m'apparaissait, semblant avoir été gravé dans mon crâne depuis tant d'années mais jusqu'à présent inutile : J'aimais mon pouvoir. Oh oui, j'aimais mon pouvoir.

C'était vite finis, enfin trop vite à mon gout. La lumière qui éclairait le monde; toujours rouge avait perdu de son intensité. Toujours allongée sur le sol, je me redressais lentement pour apercevoir le soleil, pas celui de Lorgan, mais notre soleil, boule de feu énorme qui régnait sur notre système solaire, se coucher lentement, aspirée vers le sol à des kilomètres de là.

- Wow. C'est juste, le plus beau jour de ma vie.

Ce n'est que quelques secondes plus tard que je me rends compte avoir dit ça à voix haute. Tout ce boulot m'a tellement crevé que j'ai l'impression d'être complètement défoncée, je m'allonge une nouvelle fois sur dans l'herbe, mes paupières devenaient de plus en plus lourdes. J'avais tellement sommeil ... C'est alors que je décidais de succomber juste l'espace de quelques secondes, du moins c'est ce que je croyais.

Gros blanc. Je sais pas pourquoi, mais j’ai pas du tout l’impression que j’ai été trop loin, cette fois. Sans doute parce qu’elle me ressemble plus que ce que je pensais, tiens. Bon, ceci étant, on a bien profité du spectacle, je pense…N’empêche, je me demande bien ce que vont penser les gens qui ont vu une espèce de gigantesque embrasement céleste, comme si une étoile avait daigné se cogner contre notre chère petite planète. Oui, petite, j’ai dit.

Ça fait mal, bon Dieu ! Faut dire que je me suis bien mordu la lèvre pour m’empêcher de rigoler. Imaginer les gens qui courent en hurlan « WAAAAAAAAAAAH ! UNE BOMBE ATOMIQUE ! » m’a juste fait exploser de rire intérieurement. Je suis pas normal, hein ? ‘fin, ça, je l’ai toujours dit.
Toujours ce grand silence…dingue ! Et là, paf, interruption du silence, mesdames et messieurs. Keyla parle !

- Wow. C'est juste, le plus beau jour de ma vie.

Hein ? Et bah elle y va pas de main morte, niveau compliments. Je sais pas pourquoi, je la sens fatiguée…j’espère que vous aurez pigé l’ironie de cette pensée, hein ! faire exploser le ciel, ça fatigue, je le sais, je viens de le faire, rappelez-vous ! Attends, je rêve ou elle vient de piquer du nez, là ? Je l’envie de pouyvoir pioncer comme ça. Moi j’y arrive pas, ça me gonfle ! trop de cauchemars, d’angoisses et d’autres jolies petites noirceurs qui pourrissent l’esprit. En attendant, je fais quoi, je la laisse dormir ? Vaut mieux. Quand je dors, quand je dors vraiment, en tout cas, j’aime pas qu’on me dérange. Même quand je viens de créer un Soleil miniature avec la personne qui me réveille.
Ça répond pas à ma question. Au pire, laisse tomber, je suis totally crevé aussi ! Bon, allez, je fais un p’tit somme aussi ? Non, je peux pas. Bon, bah, je sais qui faire. Go baignade. En plus, je sue à mort. Bah oui, désolé, quand je créée un embrasement du ciel, je transpire un peu, vous m’en excuserez ! Une demi-heure, et si elle pionce toujours au retour, je la secoue jusqu’au réveil.

Bizarrement, l’eau est un poil plus chaude. On se demande bien pourquoi. Nage, nageons, nagez…j’ai la dalle en plus. Sans mauvais jeu de mots, ça «brûle quelques calories, cette boule de feu…je fais donc la planche, pendant une demi-heure. Remarquez, ça soulage. Pas bouger, pour un hyperactif de mon genre…Même ça, ça peut faire du bien. Pas dormir, par contre…la noyade, c’est pas top, pour un mec qui contrôle le feu. Pour un mec normal non plus, d’ailleurs. Humour noir, tiens ? Pas souvent mon genre, ça…

Bon, allez marre de l’eau ! Allons retrouver le bon vieux plancher des vaches ! Donc, bah, rhabillage. Oui, ça se fait pas de réveiller une dame à moitié à poil et dégoulinant. Devinez comment je me suis séché ! Sans déconner ? Elle dort toujours. Et puis à poings fermés. Bon, bah, pas le choix. Remarque, je sais pas. Bon, moi, j’me dis, vaut mieux attendre qu’elle se réveille. Ouais, allez. Si vraiment elle tarde, je me gênerai pas. En attendant, pas question de me poser. Je vais la laisser là, et puis, je laisse un truc pour dire « je reviens » au cas où elle se réveillerait avant mon retour, ce qui est probable. J’aime pas laisser les gens tout seuls, mais elle a besoin de sommeil, et moi j’ai besoin d’hyperactivité, you see ?

Balade en forêt., j’ai laissé un petit feu de camp, parce que j’ai pas de veste, et que je peux rien laisser, j’ai besoin de tout ce que j’ai sur moi…Bon, donc, promenons-nous dans les bois. Pendant que le loup n’y est pas. Si le loup y était, il se ferait cramer…Ouais, je sais, c’est pas tout à fait ça…remarque, dans une forêt comme celle-là, rien de très dangereux. C’est pas l’Amazonie, quoi. Faut juste que je fasse gaffe, rapport à mon power. Je vois encore le lac de loin. Surface bleutée, tout à l’heure, l’était rouge et jaune dorée. Bon, c’est pas tout ça, mais ça fait longtemps que je marche, moi. Je vois pas le temps passer, mais vu comment le Soleil a avancé, je dirais une heure.

So, return. Que vois-je, de loin ? Une Keyla ébouriffée, qui se frotte les yeux. J’ai comme l’impression qu’elle vient de se réveiller, me trompe-je ? Bon, bah, je go la voir, alors. d’autant que mon petit feu est quasi éteint…

– Bien dormi, au moins ?

Pfiou, j’en ai ras le bol. Ça fait du bien de se poser un peu. Crevant, le pouvoir. Grosse contrepartie, ça, la fatigue. Elle a pas l’air bien réveillée. Moi, je ranime le feu, déjà. Le Soleil descend, tiens ! L’es tard, sans doute…Elle a pas envie de causer ? On va voir ça de suite :

– Tu te sens mieux ?

Quelle phrase pourrie. Bon, au pire, elle va répondre et ce sera tout. Faut croire que je suis un gâche-tout. Bon, allez stop the bad, après ça va pas être marrant. Ah, voilà, le feu est à la bonne température.

« Convinced on the inside, you're so much more than me .. »

Une agréable chaleur me caresse les paupières : c'est doux, c'est chaud, ça ne me donne presque plus envie d'ouvrir les yeux, même si j'ai la lointaine impression qu'il faut que j'émerge, pour je ne sais quelle raison. C'est à peine si je me souviens de l'endroit où je me suis laissée aller dans les bras de Morphée : réconfortants et chaleureux. Je me sens comme si, comme si, bah comme si j'étais sous la douche, sentent l'eau brûlante couler sur ma peau, comme des chaînes m'emprisonnant les muscles pour empêcher ma pauvre âme écolo de me faire sortir par la force de la salle de bain. Je bouge mes membres petit à petit, commençant par le bout des doigts, les poignets, les bras ... jusqu'à enfin me rappeler en quelle compagnie j'étais.

La honte, je me suis endormie alors qu'il était juste là, à côté de moi ! Qu'est ce qu'il va penser maintenant, que sa présence m'ennuie au point de piquer un somme ? Moi et Morphée, c'est une grande histoire d'amour ; il n'y a pas de doute, la première marmotte qui a vu le jour sur notre stupide planète était blonde aux yeux verts.

Piouf, je suis maudite. Maintenant j'ai encore moins envie d'ouvrir les yeux. Je me mets en boule en écoutant les divers sons de fin de journée, mais mis à part les crépitements du feu à côté de moi, le vent dans les feuilles et les chants des quelques oiseaux ayant survécus à notre explosion nucléaire, aucun signe sonore de Lorgan. Il est surement rentré au pensionnat finalement, je ne le blâme pas : je venais de m'endormir à ses côtés. J'espère que j'ai pas ronflé au moins, ni parlé ! Il m'arrive d'être encore plus bavarde dans mon sommeil. Pitiers, dites-moi que j'ai pas dis de conneries. Si ça se trouve, j'ai sorti un truc qu'il fallait pas et il a directement pris ses jambes à son coup. Comment faire fuir les gens, tome 1, par la grande et célèbre spécialiste, Keyla Lindgren ! Tss, le peu de repos n'a pas atténué ma sale habitude de penser trop vite et à des choses futiles.

Je me relève en ouvrant doucement les yeux : les flammes que je sentais dansent à quelques mètres. Le monde tourne sous mes pupilles : j'ai de nouveau eu la maladresse de me relever trop vite. Je me frotte les yeux pour remettre psychologiquement chaque chose à sa place en m'étirant.

- Bien dormi, au moins ?

Je sursaute en levant les yeux vers le garçon : finalement, il est resté. Je soupire malgré moi avant de détourner la tête. Il retourne s'occuper du feu tandis que le soleil se glisse dans son pieu ; il va pas tarder à faire nuit. J'espère quand même qu'on va pas nous prendre la tête au pensionnat en rentrant. Enfin, même si ... Bouarf, j'ai du mal à me faire à l'idée que mes dictateurs de géniteurs sont dans leur trou paumé suédois tandis que moi, bah, je suis là. Et me revoilà en train de reparler de moi, comme ils disent ici : baka !

Je me glisse à quatre pattes vers le bord du lac pour me rincer le visage, m'essuyant ensuite avec mon T-shirt, avant de retourner vers Lorgan, m'asseyant en face du feu, paume en l'air pour chopper un max de chaleur.

- Tu te sens mieux ?

Je me retourne vers lui, again, en lui souriant. J'imagine pas la tête que j'ai : yeux fatigués, visage pâle et cheveux en Gangnam Style, en résumé la tronche parfaite pour aller récolter des bonbons le soir d'Halloween. Mais après tout, qu'est ce qu'on s'en fous ? Même si je peux l'avouer, si j'avais été avec Reyno, j'aurais été beaucoup plus gênée.

- Je ... hum, excuse moi, notre petite expérience m'a pompé plus d'énergie que ce que j'avais prévu.

C'est vrai, c'est la première fois que ça m'arrive, d'habitude j'ai des volts à revendre. Enfin bon, on fait avec, la roue tourne comme on dis.

- Alors Lorgan, tu veux bien me parler un peu de toi ?

Han, le cliché ! La honte. Mais bon, je crois qu'il a compris depuis un bon moment que j'ai un sérieux problème de communication et s'est déjà un miracle qu'il ne se soit pas encore barré en courant. Poor little Keyla, why can't you be just normal, for once ? J'ai beau avoir passé toute la journée avec lui, je me rends compte que je ne connais presque rien sur sa vie. Il faut dire qu'entre la baignade, la balade en foret et surtout la giga explosion finale, c'était pas vraiment le moment de s'attarder sur le blabla. J'ai comme un pincement à l'estomac, en temps normal j'aime pas trop me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais pour faire la conversation souvent, cela reste plus qu'une option. Entre mettre son nez là où il faut pas et parler de sa vie, je n'arrive pas à savoir lequel des deux est le pire, mais malheureusement, je ne vois pas d'autres alternatives, mis à part rester là et se regarder pendant des heures. Mais bon, ça, c'est le genre de choses que je ne pourrais faire qu'avec ... lui. J'aurais jamais cru dire ça un jour, mais, il me manque.

Elle se tourne vers moi, avec ses yeux bouffis de sommeil et ses cheveux tout décoiffés. Marrant, ça lui va bien. Tiens, v’là qu’elle parle, avec la voix aussi endormie qu’elle en a l’air (ça colle bien au reste de l’apparence, faut dire…)

- Je ... hum, excuse moi, notre petite expérience m'a pompé plus d'énergie que ce que j'avais prévu

M’en doute. On fait pas exploser le ciel tous les jours, si j’ose dire (et ouais, j’ose !). « Assez curieusement », moi aussi… Seulement, j’ai pas autant besoin de sommeil que tout le monde, faut croire. Je suis pas normal, sans doute, même en oubliant le pouvoir élémentaire du feu et tout…mais je me répète, je crois.

- Alors Lorgan, tu veux bien me parler un peu de toi ?

Ouoh ! c’est zarb’ ! Personne m’a jamais demandé ça…Même mon frangin, mais il a des excuses, parce que lui connaissait déjà tout de moi. Et personne d’autre parce que tout le monde s’en foutait. Bah, j vais pas commencer à m’apitoyer dessus, non plus ! Si ça continue, je vais finir aussi joyeux qu’un cri de corbeau, ça va pas faire long feu. Bon, c’est pas important.
Parler de moi, qu’elle a dit « la dame ». ‘fin la demoiselle. On s’en fout, en fait…

Elle a l’air pensive, tiens. Je vais lui agiter ma main sous le nez, histoire de la réveiller, et surtout de pas la laisser pleurer, parce qu’elle a pas l’air jouasse, c’est le moins qu’on puisse dire. Voilà, c’est mieux.

– T’es sure que ça va ?

Silence. Bon bah, ça va, alors. Pas besoin de m’inquiéter. Pourquoi tu te stresses tout seul Lorgan ? (quand je me parle tout seul, j’ai l’impression d’être schizo, c’est zarb’).

– Te parler de moi… Tu sais, c’est pas tout rose, hein…’fin bon, ça doit pas être ton genre, les « oui-oui à la plage », je crois.

Silence. Oh, la bourde ! bah, pas grave, elle a pas l’air de s’en formaliser, je crois. On verra. En attendant, je suis obligé de continuer. Même si je m’aperçois qu’en fait, ça fait pas forcément de mal d’en reparler. Enfin, ça dépend de quoi.

– Bah, je suis né en Russie, dans un petit village. Ça fait un peu plus de seize ans. Vu que je suis né avec des cheveux et des yeux super stranges, on m’a jamais vraiment apprécié quand j’étais gosse, sauf mon frère aîné, et mes parents. Mais les autres gosses s’en sont souvent pris à mi, et j’ai souvent fait des tours dans une mare gelée… Pas très drôle. Enfin, si, pou eux, si.

Comme elle a pas l’air rassasiée, je cotinue again :

– ‘pis y’a eu cette foutue Lune. Ça nous a valu que des emmerdes à mon frère et moi. On l’a vue, tous les deux. Enfin, surtout moi. Lui, ça allait, il a reçu le contrôle du froid et il s’en sortait mieux que moi niveau contrôle de son pouvoir, tu vois ? Et moi…avec le contrôle du feu, j’ai pas été gâté, j’ai fini par foutre le feu à ma maison sans le faire exprès…Et mes parents en sont morts…

On a dû se barrer, avec mon frère, parce que du coup, on nous a accusés d’incendie criminel. Alors, on s’est cassé à travers la Sibérie. Et puis, des chasseurs de primes nous coursaient, parce que évidemment, on nous recherchait…

Et puis, quand on a entendu parler de ce pensionnat, mon frangin et moi, on a voulu y aller. Logique non ? Un pensionnat pour « phénomènes paranormaux ». c’était un peu insultant, mais vaut mieux se faire humilier que crever…

Et puis, un jour, des chasseurs nous ont rattrapés. Et mon frère a créé une tempête de neige qu’il n’a pas su contrôler. Moi, je me réchauffais comme je voulais, mais lui…il a fini par clamser quelques jours après, de froid.

J’ai dû continuer, en laissant le cadavre de mon frère même pas enterré, parce que ces foutus chasseurs étaient pas tous morts, et j’ai fini par embarquer pour le Japon. Là, on m’a relativement foutu la paix, même si on me regarde toujours bizarrement à cause de mes cheveux. ..

Je me tais, parce que j’ai pas mal causé. Elle en appris, des trucs, keyla, aujourd’hui ?. j’ai pas mal résumé, mais c’était ça l’histoire de ma vie, si je peux dire un truc aussi con sans avoir l’air niais, ou l’inverse. Puis…

Et toi, tu veux pas parler de toi ?

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