« Wait, it's just about to break, its more than I can take. Everything's about to change »

Adossée contre le mur, les mains dans les poches, le regard dans le vide, j'observe le doux quotidien des pensionnaires. Quelques-uns marchent lentement en racontant le superbe week end qu'ils ont passé chez leurs parents, tandis que d'autres courent aux quatre coins du couloir, pressés par le temps, en regardant frénétiquement leurs montres. Je baisse les yeux sur mon poignet nu ; j'ai balancé la mienne il y a plus d'une semaine. L'heure ? Connais pas. Comment je fais pour arriver à temps en cours ? Simple, je sèche. Enfin sauf quand j'ai de la chance et que je me fais accepter. Et puis, y a toujours le soleil, bande d'homo sapiens esclaves des temps modernes. J'ai résolu ce complexe dilemme qu'affrontent les gens de ce monde pour gérer leur temps. Même si au final, ils se retrouvent tous à la fin de la journée, se lamentant des courtes 24h accordées quotidiennement par l'espace temps terrien. Piouf, j'ai l'impression de parler comme une extra-terrestre. Si j'avais été à l'extérieur,ça aurait été compréhensible, mais là, I mean, ces gens sont comme moi. J'arrive toujours pas à m'y faire, mais bon, de toute façon, j'ai toujours un temps de retard alors, pourquoi changer maintenant ?

Mon casque toujours sur les oreilles, j'ai l'impression que le monde danse au rythme de la musique. Le plus chiant par contre, c'est la transition d'un morceau à un autre : ces courtes secondes de silence me fait l'effet d'une bonne grosse baffe dans la gueule ; que le monde est moche sans musique, ça m'en donnerait presque envie de chialer.

- La salle de musique, c'est par là ?

Quelle horreur, il a tellement hurlé que j'entends son timbre disgracieux à travers ma musique, ruinant mon morceau.

Parfois, j'ai juste envie de me souder le casque sur les tympans et de me coudre les lèvres avec du fil de pêche histoire de rester dans ma bulle sans qu'un abruti ne vienne la percer à coup d'aiguilles. Je hoche la tête d'un air ennuyé tandis qu'il se précipite dans le couloir voisin. Perso, je sais même pas où elle peut bien être, cette salle de musique. Après tout, j'y suis allée qu'une fois depuis que je suis arrivée et puis avec mon sens d'orientation de merde. Ouai, c'est vrai, j'aurais pu lui dire que je savais pas, mais il avait qu'à pas venir me faire chier. J'arrive même plus à apprécier ma musique, ce connard m'a reconnectée en me faisant atterrir sur la surface de la terre. Enflure ! J'ai bien envie de m'en cramer une, du coup.

J'arrive enfin devant les escaliers qui mènent au toit. J'ai eu beau tourner cent fois, en évitant les regards bourrés de reproches des profs qui faisaient cours la porte ouverte. J'hésitais à aller dans la cour, mais en passant j'y ai aperçu un surveillant gueuler sur un pauvre première année qui faisait léviter des oeufs pour les balancer aux fenêtres des salles de classes. Nan mais sérieux, des oeufs. Maturité zéro. Faut leur refaire l'éducation à ces sales gosses. Enfin, c'est un peu à ça que ça sert, un pensionnat.

Du coup, au final, j'ai opté pour le toit, en espérant ne pas croiser les petits défoncés qui se roulent des joints en haut du bâtiment. La dernière fois, ils m'avaient fait un petit remix de I believe I can fly avec en prime I believe I can crush and die. Bon, j'avoues que sur le coup, j'avais flippé, mais comment j'aurais pu deviner que le gamin maîtrisait la régénération cellulaire ? Même défoncé en plus, respect.

Je cale la porte pour qu'elle ne claque pas avec le vent. Je fouille dans ma petite planque à l'abri des regards, derrière une forêt de panneaux solaires pour vérifier si ma gratte est toujours là. La dernière fois, j'étais redescendue qu'en plein milieu de la nuit ; se trimbaler Jolene sur le dos jusqu'à mon dortoir aurait été une définition même de la mission suicide. Elle est encore là, c'est le principal, faut pas que j'oublie de la prendre en redescendant.

Je m'adosse au mur qui encadre la porte, le casque sur les deux oreilles, sans pour autant régler le sons à fond, au cas ou un pion aurait l'idée ingénieuse de venir checker le toit. J'allume ma cigarette avec un briquet de merde, ce qui me prend tout de même trois plombes grâce au vent qui souffle aussi fort que Katrina. Finalement, je finis par respirer en m'intoxiquant un max les poumons, une main dans la poche, en regardant le beau paysage qui s'étale sous mes yeux. Je suis tellement bien, perdue dans cette peinture urbaine, que j'en oublie presque de guetter la cage d'escalier. Never forget to enjoy the little things.

Mes premiers jours dans cet internat… Je me suis toujours pas habitué décors et je n’arrête pas de me pommé dans cet établissement… Je me promène au hasard dans les couloirs toujours avec mon casque sur les oreilles et les mains dans les poches ainsi que ma guitare acoustique sur le dos. J’ai laissé dans a chambre mes autres instruments ( ma guitare électrique et ma batterie électrique) Je peux pas tout transporter non plus… Je suis pas Hulk, j’ai beau être musclé, je ne suis pas un surhomme, enfin… Si mais pas dans ce sens là, je n’ai pas une force herculéenne quoi. Donc je disais, je porte également ma sac avec mon pc dedans et quelques bouquins. D’ailleurs, je n’ai toujours pas ouvert un seul livre pour l’instant, bon ça fait pas longtemps que je suis là, mais je ne suis pas un gros bosseur… Je préfère largement jouer à ma batterie ou à ma guitare, c’est mille fois mieux… Je sais qu’après je risque de le regretter plus tard mais… Si je réussi dans la musique je n’aurais pas besoin de faire de grosse études.

Mais pour l’instant, je suis coincé dans ce pensionnat… Va falloir que je m’y fasse, faut que je me sociabilise un peu quand même, mais si je dois me faire des amis, je préfère des gens qui aime la musique, ou qui sont près à faire du sport et à se bouger un peu le cul…

Mais revenons à nos moutons, je marche toujours et encore dans les couloirs la musique à fon dans mes oreilles en regardant les profs et les élèves en classe qui soit, resté calme, soit faisait des conneries avec leurs don, leurs pouvoir quoi, y en a certains, ils ont un peu une mentalité d’un gamin de six ans… C’est un peu désespérant… Y a vraiment des QI d’huitres dans ce pensionnat… Enfin bref ! Je continue à me promener dans les couloirs du pensionnat et je vois un escalier avec une pancarte indiquant que c’était le toit. Ça pourrait être bien d’aller en haut, je pourrais voir une vue d’ensemble et ainsi, trouver mes repères.

Je grimpe donc les escaliers en montant les marches deux par deux et je me retrouve enfin sur le toit, un vent assez fort y est présent et la température a baissé comparé à l’intérieur. Le vent souffle tellement fort que ça ruine ma musique, je préfère l’arrêter plutôt que de l’entendre massacrer. Je sors donc mon Ipod et arrête net la musique, par contre je garde le casque sur les oreilles pour deux raisons. La première c’est que je ne m’en sépare jamais, même pour les cours, et la seconde c’est que ça tient mes oreilles aux chauds… Je contemple donc la vue qui est un peu caché à cause des panneaux solaires, un variable champs de panneaux solaire, si ils ont besoin d’énergie il on qu’à me le demander, je leurs fournirait un réserve d’énergie conséquente.

Tiens, c’es bizarre mais… Sans la musique, je trouve cet endroit trop calme… ça presque peur…, j’aimerais bien savoir ce qu’il y à sur ce toit, je continue donc à marcher toujours en chantant « On my way » de Phil Collins sans remarquer qu’il y avait une autre personne contre le mur qui encadre les escaliers, mais ce qui m’a fait tilt, c’est que quand j’ai continué à marcher, j’ai entendu une musique vraiment faible à cause du vent. Je me retourne donc et constate qu’il y a une ravissante adolescente adossé au mur, une clope à la main avec un casque sur la tête et la guitare à coté d’elle. On dirait moi mais, version féminine… Je la regarde donc dans les yeux avec un léger sourire amical, voila pour moi le temps de me sociabiliser un peu. Je m’approche d’elle lentement, toujours les mains dans les poches et je lui dis :

- Salut, je ne pensais pas trouver quelqu’un sur le toit, on se connaît surement pas je suis nouveau ici, Takeshi enchanté *sourit*

Bon, c’est la banal présentation, je trouve ça même trop basique, mais bon, on fait avec ce qu’on a… Je me demande quelle impression je donne à cette interne…

Spoiler:

« I ride through the city's backsides, I see the stars come out of the sky »

- Tell everybody I'm on my way ...

Malgré le volume dangereusement mis au max dans mes tympans, j'ai l'impression d'entendre les douces paroles du célèbre ancien chanteur/batteur des Genesis à travers ma musique, même si elles sonnent plus comme un écho lointain. J'ai surement mal téléchargé mon fichier mp3 qui a dû enregistrer On My Way pardessus The Passager. Iggy et Phil dans la même pièce ... J'aurais bien aimé voir ce que ça donne. Anyway, je baisse le volume par précaution en cendrant sur le sol.

Je détourne le regard vers le paysage en clignant des yeux discrètement. Ma vision se trouble tandis que mon estomac remonte à mes lèvres en un seul bond. Céréales, un verre d'Ice Tea et un paquet de Cheetos, voilà ce qui risque de repeindre le sommet du bâtiment. Je passe une main dans mes cheveux emmêlés en fermant les yeux ; le monde tourne un peu moins vite, c'est rassurant. Différentes odeurs se succèdent, venant caresser à tour de rôle mes narines en me rendant de plus en plus mal. Le soleil ou les comprimés qui ont accompagné mon déjeuner plus que calorique ? Aucune idée, en tout cas ça commence à vraiment me peser sur l'estomac. Je respire doucement, tire une latte et repose ma tête sur le mur derrière moi, la musique à fond : je tremble encore, fuck my life.

Je finis par relever la tête en ouvrant les yeux, le malaise passé. Métabolisme de merde.

Un froissement de tissus et le doux raisonnement d'une corde de guitare au contacte du vent qui ne vient absolument pas de ma Jolene. Un jeune homme entre finalement dans mon champ de vision : les mains dans les poches, un casque sur les oreilles, T-shirt noir et une tignasse blonde.

Pour la première fois de ma vie, j'ai un déjà vu qui passe sous mes rétines, comme si j'avais déjà croisé cet inconnu dans une vie antérieure, ou un truc du genre. C'est à ce moment qu'une révélation vient enfouir profondément dans mon crâne ma récente frustration ; j'avais devant moi ce qui serait devenu de ma personne si le spermatozoïde Y de mon géniteur aurait eu le dessus sur le X dans la fameuse course à la fécondation.

- Salut, je ne pensais pas trouver quelqu’un sur le toit, on se connaît surement pas je suis nouveau ici, Takeshi enchanté

Tiens c'est marrant, moi aussi. Enfin bon, tant que c'est pas un pion, ça me va. A moins que c'est un surveillant sous couverture. Je chasse cette idée de mes pensées en me rappelant l'apparence qui ... disons, sort du lot de Kodoku.

C'est dingue, les nouveaux semblent arriver en masse. Si ça se trouve, les pensionnaires sont comme les oiseaux : ils sont en plein période d'émigration. J'écrase ma clope sous ma semelle avant de m'approcher du jeune homme et de tendre une main :

- Moi c'est Keyla. Bienvenue Takeshi

Oui, je viens de lui souhaiter la bienvenue dans ce trou paumé japonais. Quelle mauvaise foi. Enfin bon, c'est pas si terrible par ici au final ; c'est toujours mieux que ma chambre au pôle Nord. De la bouffe rentable, des lits, un toit au-dessus de nos têtes, que demander de plus ? Au moins, ils ne nous foutent pas des barreaux aux fenêtres. C'est dingue, je viens de me rendre compte que je suis toujours en train de me plaindre ; faut vraiment que je remédie à ça.

Bon, les présentations sont faites de mon côté, à son tour de se présenter… La jeune femme écrase sa cigarette, puis se lève et se rapproche de moi la main tendu pour me saluer :

- Moi c'est Keyla. Bienvenue Takeshi

Keyla… Jolie nom, enfin, moi j’aime bien, ça fait américaine je trouve, et Dieu sait que j’adore les américains pour la musique, ils nous ont tellement sortie de Star comme Phil Collins qui est, mon idole, qu’es ce que j’aimerais avoir le même succès que lui… Mais pour ça, il me faut un groupe, une maison de disque qui veut bien de moi, et des fans, mais ça, c’est dur à avoir… Je tends donc la main et attrape celle de Keyla, puis j’avais une folle envie de déposer un baiser sur ses lèvres, ça fait tellement gentlemen, mais aussi ringard de nos jours… Les choses ne sont plus ce qu’elles sont… Du temps de mes parents, on offrait des fleurs, invité à boire un café, maintenant c’est que du sms ou des messages par Face de book, qu’es ce que je ne supporte pas ce truc ! C’est tellement pourri ! Bon ok, ça peut aider, mais voir sans arrêt des invitations pour des jeux à la con, voir des mecs constamment torse nue pour épater les filles, et les filles qui ressemble à des poissons rouges ou à des canards, on se dit : OU VA LE MONDE !!! Il n’y a plus aucune classe… Mais bon, c’est l’évolution… Ou la dégradation…

Mais bon revenons à nos moutons, je sers la main, pas excessivement fort à la belle demoiselle, et je lui réponds :

- Merci pour la bienvenue, même si cet endroit à l’air un peu… bizarre *sourit* Mais dis-moi, pourquoi tu es sur le toit ? Et sinon, tu écoutes quoi dans ton casque ? Par curiosité bien sur…

C’est moi ou je trouve que la guitare plus le sac commence à peser lourd… Quand je bougeais, j’y faisais pas attention, mais une fois arrêter, tu le sens le poids. Je sors donc enfin les mains des poches puis je pose donc ma guitare à mes pieds ainsi que le sac. Ouf… je me sens tout léger d’un coup… En fait, c’est surtout le sac qui pèse lourd, pourquoi j’ai mis tous mes livres de cours dedans, ça pèse un âne mort ce truc ! Ah oui… Je me rappelle pourquoi, parce que j’oublie toujours un truc si je ne fais pas ça, j’en ai marre de me faire engueuler quand j’arrive en cours et que je me rends compte que je n’ai pas es affaires, alors pour éviter ça, je mets tout dans le même sac. Heureusement mon pc n’est pas trop compressé dans tout ce bric à brac… sinon il serait à l’état de miettes en ce moment. Hé, c’est un Apple, c’est super fin, ça passe partout ! Bon ok ça se casse facilement mais ça passe partout…

Sinon pour en revenir à Keyla, on dirait vraiment qu’elle et mon sosie mais féminin, c’est vachement troublant quand même, si ça se trouve, on est jumeaux et on a été séparé… Rencontrer ma sœur comme ça, ça serait hyper bizarre ! J’espère que ce n’est pas le cas, et que c’est une parfaite inconnue…

« Y a une époque on était solidarnosc »

- Merci pour la bienvenue, même si cet endroit à l’air un peu… bizarre Mais dis-moi, pourquoi tu es sur le toit ? Et sinon, tu écoutes quoi dans ton casque ? Par curiosité bien sur…

Wow, pour du directe, j'étais servie. Dans un sens, ça m'évitera de trouver des sujets de conversations plus inutiles les uns que les autres sur la mode ou le beau temps. Bouarf, la mode, quelle horreur. Je tire inconsciemment sur mon T-shirt 50 mille fois trop large pour moi, les rock star se foutent de ce qu'ils ont sur le dos, la musique avant tout.

Enfin, faut dire que porter des fringues non conducteurs, ça peut être pratique surtout pour quelqu'un comme moi ... enfin, comme moi, tss, un monstre quoi, comme dirait mon géniteur. Je lui aurais bien fait sauter quelques fusibles, quoique, ça aurait pas vraiment changé grand-chose à son QI de kiwi. En y réfléchissant bien, le plus marrant aurait été de lancer une mini décharge à ma mère, histoire que son crâne ressemble au cul d'un porc épique pendant plus d'une journée. Là, elle aurait la classe. Enfin bref, c'est vite dit. Je note ça juste dans un coin de ma tête, ça me fera un super cadeau de retour. C'est dingue comme le temps passe vite. Ça fait plus d'un an que je traîne dans le coin et j'ai toujours pas eu de leurs nouvelles. Home, sweet home. Tss.

- Côté bizarre, tu vas être servie. Enfin tout dépend de quel côté on se place. Pour ce qui est du toit, c'est un peu ma forteresse de solitude. Ce que j'adore, c'est de rester là toute la nuit à gratter en regardant les étoiles.

Côté constellations, on a vraiment de la chance dans le coin, Tsuruko étant plutôt éloigné des grandes villes, de l'oxygène malsain et de toutes ces technologies qui ne cessent de croître de jours en jours. La civilisation, flippant.

- Ah bah, y a 30 secondes, j'étais sur Iggy Pop, mais là je viens de passer à Saez, un jeune artiste français que j'ai découvert y a pas très longtemps. J'adore ce qu'il fait, en plus j'aime beaucoup écouter le français, ça me fait penser à mon enfance. Et toi, qu'est-ce que tu écoutes ?

Sa gratte semble me faire de l'œil, ça fera de la compagnie à Jolene. Le paquet de Gauloises dans ma poche chauffe doucement ma peau, semblant me supplier de l'alléger d'une cigarette. Fumer une clope après l'autre ... aujourd'hui, c'est très mal vu, les gens font tellement attention à leur santé, mais au fond, personne ne possède la vie éternelle. Y a une époque on fumait, on buvait, on dansait, on rigolait, on baisait, on chantait sans que ça pose de problèmes. La belle époque, la musique et l'anarchie, y a que ça de vrai. Je tuerais pour remonter le temps, naître 20 ou 30 ans en arrière. Quand je pense à tous ces adultes qui n'ont pas profité de ça, coincé dans leur pauvre petite bulle quotidienne : travail, bouffe, dodo. Pathétique. Tout ça, c'était bien avant les réseaux sociaux et ces mentalités pâles et tristes gouvernées par le fric. J'allume une autre cigarette ; la vie est trop courte pour se priver, surtout dans un monde aussi corrompus et dégueulasse que le nôtre.

Quand je serais grande, je s'rais poupée gonflable.