Il était aux environs de minuit et le ciel était plus ou moins dégagé cette nuit. La lune, elle, se montrait toute entière au dessus du pensionnat endormi. Quant à moi, j’étais allongé dans mon lit, les yeux grands ouverts. Cela faisait quelques heures que les lumières avaient été éteintes, mais je n’arrivais toujours pas à dormir ... J’avais eu beau essayer toutes les positions pour tenter de m’endormir : sur le dos, côté gauche ou droit, ainsi que sur le ventre. Rien à y faire, pas moyen de s’endormir.

Mes ailes, pourtant dissimulées, me démangeaient et me faisaient mal. Chose étrange, car d’habitude, je ne les ressentais plus lorsqu’elles disparaissaient ... Au début, ce n’avait été qu’une légère gêne à laquelle je n’avais pas tenu compte. Mais là, je n’avais plus qu’une envie : faire ressortir mes ailes et les étirer, les faire bouger. Mais je ne pouvais pas me le permettre. Je soufflais, c’était sûrement la millième fois depuis l’extinction des lumières, ou pas loin en tout cas.

Je gigotais une énième fois sous ma couverture, tentant désespéramment d’oublier mes ailes. J’attendis un instant, puis je finis par m’asseoir. La peau sur mes omoplates me grattaient, mais quelque chose de bien. Je levais la tête au ciel, fermant les yeux et serrant les mâchoires. Fallait pas que je me gratte, sinon ça ne ferait qu’empirer les choses. Ce faisant, mes cheveux frôlèrent mon dos. Je déglutis. Rien que ce contact enflammait ma peau. Je ne pouvais pas faire ressortir mes ailes. Il m’aurait fallut plus d’espace, et donc sortir de cette chambre. Mais les surveillants guettaient, je les avais entendu tout à l’heure réprimander des élèves. Je passais une main dans mon dos et me figeais, sentant une bosse du côté gauche. Je vérifiais de l’autre côté. Idem. Une seule pensée traversa mon esprit. Il fallait que je sorte. Et assez rapidement.  

J’enfilais donc un pantalon noir, le premier qui me venait sous la main me moulait les jambes mais je n’y fis presque pas attention, au mieux ça ne claquerait pas au vent et au pire personne ne me verrait donc pas grave. Je mis aussi un t-shirt vert-bleu foncé. Je me fichais de la couleur, je ne l’aurais pas sur le dos longtemps. Et encore une fois, tout le monde dormais. Je pris aussi un sac, balançant quelques trucs dedans, et je partis rapidement.

J’arrivais au niveau de la porte donnant sur les toits, ou plutôt les terrasses car il n’y avait pas de toit pointu, les plus hauts. Pendant mon trajet, je m’étais senti fiévreux, et les décors semblaient vouloir danser devant mes yeux. Deux ou trois fois, je dus me tenir au mur, en faisant le moins de bruit possible.

J’ouvris la porte et une brise fraîche vint me rafraîchir le visage. Je fermais les yeux sous cette agréable sensation. Le vent m’appelait. Je ne pouvais plus résister à cet appel. Malgré mon front encore un peu chaud, les vertiges m’avaient délaissés. Et avant de faire quoique ce soit, restant tout de même sur mes gardes, je vérifiais que personne ne m’avais suivi, n’étais dehors à cette heure, et évidemment qu’il n’y avait que cette terrasse était belle et bien vide. La lune m’éclairait de sa lumière argentée.

Une fois mon inspection terminée, je posais mon sac contre un des rebords de la terrasse et ôtait mon t-shirt. Un dernier coup d’œil à la ronde, toujours personne. Je fermais les yeux et inspirais plusieurs fois, l’air frais me rafraîchissant de l’intérieur et me détendant. Je me lançais, les yeux toujours clos.

Je fis un premier pas, puis un second. La grâce d’un danseur débutant sur une musique laconique. J’accélérais. La souplesse d’un félin courant dans la savane. Je mis un pied sur le rebord et sautais dans le vide, les bras en croix, écartés. Le Saut de l’Ange. La légèreté d’un aigle prenant son envol. Sous moi, plusieurs mètres défilaient. Ma vitesse augmentait. Dans mon dos, je sentis mes grandes ailes se détacher lentement de mon corps.  Elles s’étirèrent tout d’abord vers le ciel, puis un simple mouvement vers le sol ralentirent considérablement ma chute et commencèrent à me faire remonter. Un second battement d’ailes et la gravité n’avait plus aucun effet sur moi. Je partis donc me dégourdir les ailes.

...

Quelques temps plus tard, j’atterrissais sur la terrasse. Au contact de mes pieds sur la terre ferme, mes genoux flanchèrent et je me retrouvais accroupit, un genou à terre. J’étais quelque peu essoufflé, mais content de moi. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas volé, d’où la raison quasi sûre de mon mal-être de tout à l’heure. Toujours dans cette position, alors que je reprenais peu à peu mon souffle, je fis disparaître mes ailes. Mon dos retrouvant cet immense tatouage d’ailes s’étalant du haut jusqu’au creux de mes reins. Je me relevait lentement.

Arrivé au dessus de mon sac, je m’aperçus que quelque chose clochait. Je n’avais pas laissé mon sac dans ce sens tout à l’heure. J’enfilais mon t-shirt et relevait la tête aussitôt, cherchant la personne responsable de ceci. Quelque chose attira mon attention vers la droite. Je hélais aussitôt :

- Eh toi ! T’es qui ? *Je fis un pas vers l’ombre* Pourquoi t’es là ? Et montre-toi d’abord !

C’était bien ma vaine ... Je ne m’étais jamais fait surprendre, et c’est lors de mon premier vol ici que ça arrivait. J’allais bien trouver une manière convaincante de lui faire comprendre de ne rien dire.

- Moi ? Hum eh bien je suis ce que je suis et si je suis là c’est que mes pieds m’ont amené jusqu’ici.

Face à autant d’orgueil et d’arrogance, je ne pu que lever les yeux au ciel et faire une grimace que j’espérais plus ou moins discrète. Il se croyait malin l’autre ? Qu’il attende un peu ... Il se dirigea vers cet inconnu, qu’il reconnut au timbre de voix comme étant un jeune homme, peut-être de son âge, ou peut-être plus.

- Mais dit moi c’était de belles ailes que j’ai vu à l’instant, pas vraiment mon style mais bon.

J’écarquillais les yeux de stupeur et me stoppais sur place, retenant ma respiration. Ainsi, il était là depuis un bout de temps ... Je fronçais les sourcils, peu heureux qu’il ai vu mes ailes. Je baissais la tête, et je sentis mes joues se rosir sous mon énervement. Suivant le caractère de l’individu - que je commençais à cerner ... - ce dernier pourrait être tenté de me faire chanter. La dernière fois, j’en avais eu du mal à me débarrasser de ce ... misérable.

- Tu veux que je me montre ?

Je relevais la tête, tentant de l’apercevoir dans la pénombre, malgré les nuages qui passaient devant la Lune. Malgré ma vue perçante, la nuit restait la nuit. Et j’étais loin d’être un chat, donc je n’y voyais rien.

- Qui es-tu pour pouvoir m’y obliger ? continua-t-il.

Alors là, c’était le comble ! Mon sang ne fit qu’un tour et ma tête se vida de toute pensée. Réagissant en un millième de seconde, je saisis dans ma main droite la petite dague que je gardais toujours sur moi, et je me ruais sur cet odieux prétentieux. Arrivé devant lui, la dague pointant vers le bas, contre ma cuisse, je remarquais son visage noir. Pour la seconde fois, je me figeais sur place. Sa tête n’était qu’une masse plus ou moins floue, une forme noire. Je restais un temps déstabilisé, un temps de trop.

Me rendant compte, d’être resté trop longtemps sur place, perdant ainsi l’avantage de la surprise, je tentais de me ressaisir, les sourcils toujours froncés. Je ne pouvais voir son expression. Le plus discrètement possible, je tentais de cacher ma petite arme grâce, à un habile coup de poignet, derrière mon avant bras (pas vraiment d’autre cachette à portée de main ...). Pas facile de la garder en place, le petit pommeau dans le creux de la main fermée, sans les manches du t-shirt pour la dissimuler. Tentant de faire diversion, j’inclinais légèrement la tête sur le côté.

- Créature de l’Ombre ? demandais-je simplement, dans un murmure.

Puis une pensée fusa dans mon esprit déserté de toute pensée depuis quelques secondes. Trop près. J’étais trop près. Malin de vouloir le surprendre avec ma vitesse, mais là, pas très futé de s’être stoppé à quelques dizaines de centimètres du jeune homme masqué. Je fis alors un pas en arrière.

- Il n’y a rien qui puisse t’intéresser ici, ni moi d’ailleurs, hasardais-je.

Je tentais un second pas en arrière.

{Désolée du retard ... Vacances, puis boulot, puis travail, puis ... roooh puis déjà la rentrée ...}

- Hé bien, on peut dire que tu es rapide toi. Mais tu fais bien de reculer après tout ce serais dommage que tu sois mortellement blessé à notre première rencontre.

Je venais d’effectuer un pas en arrière. A cette remarque, je braquais un regard empli de fureur sur ce jeune homme au visage caché par cette masse noire. Je serrais mon poing gauche, l’autre cachant plus ou moins la petite dague. Si j’en savais plus sur lui, j’aurais pu être sûr de lui donner une bonne leçon. Cependant, je ne connaissais rien de lui : je ne savais rien de son visage, de son pouvoir ni de sa force. Même son nom m’était inconnu ... Je bouillonnais intérieurement.

- Hum ... Créature de l’Ombre ? Que ferais-tu si je répondais oui ?

- Tu ne réponds jamais aux questions, hein ? T’as pas été éduqué ou quoi ? Dis-je en tentant de garder un calme apparent.

Soudainement, des masses sombres remuèrent derrière le jeune homme. Je reculais encore d’un pas, ne sachant pas à quoi m’attendre. Je me mis en position de défense, la dague était réapparue dans ma main. Deux grandes ailes noires apparurent. Elles ressemblaient à celles des chauves-souris. J’écarquillais les yeux de stupeur et resserrait ma prise autour de la petite arme. Qu’est-ce que c’étaient que ça encore ?! Les ailes noires se mirent en actions et le jeune homme décolla du sol.

- Personnellement, je préfère mes ailes aux tiennes, qu’en penses-tu ? demanda-t-il en me regardant.

Je répondis par un grognement indistinct. Je trouvais les chauves-souris bien plus élégantes que lui ... Nos ombres s’allongeaient au sol dessinant des formes indistinctes, la Lune au dessus de nous était impassible.

- Tu as dit qu’il n’y avait rien d’intéressant ici ? Pourtant moi je crois que c’est faux et je suis sûr que tu penses la même chose, pas vrai petit ange ?

Je sentis tous mes muscles se contracter ainsi qu’une sueur froide me couler dans le dos, sur mon tatouage, lorsque je compris que j’étais réellement devenu son unique objet d’intérêt. Et il ne semblait pas vouloir me lâcher de si tôt. Il se mit à effectuer des cercles au dessus de ma tête, comme pour me confirmer cette désagréable sensation. Plus que jamais, j’avais l’impression d’être une pauvre petite proie sans défense. Le qualificatif "petit ange" me déplut, s’ajoutant à mon énervement. L’étrange "camarade" disparaissait de temps en temps de ma vue, au gré des nuages qui le plongeait momentanément dans l’obscurité.

Comme une proie, je me sentais faible et privé de tous mes moyens. Que faire ? Essayer de m’échapper ? Trop lâche et surtout pas envisageable pour un Elfe. Et puis de toutes façons, il me rattraperait ... Faire pareil que lui et le rejoindre dans les airs ? Et après ? C’est comme si je lui donnais raison. Je n’avais pas lâché son regard.

- Que veux-tu de moi ? Tu sembles me trouver intéressant, et après ?! ... Qu’attends-tu de moi ??!! Lâchais-je hors de moi, une brise soulevant mes longs cheveux portèrent mes paroles jusqu’au jeune homme dans le ciel.

Je décidais de rester au sol, en position de défense. Même si ce n’était pas une stratégie qui me plaisait, je me forçais à rester en place, attendant une action ou quelque chose de lui. Et me connaissant, mon immobilité n’allait pas durer longtemps ...

L’inconnu plongea sur moi. Enfin, il attaquait autrement que verbalement ! Je fis tout de même un bond sur le côté, je ne tenais pas à devoir le réceptionner frontalement, mais celui-ci bifurqua au dernier moment. Froussard. Le jeune homme donna un coup de pied dans la seule porte par laquelle tous deux étaient arrivés et qui était donc la seule sortie. Il s’accroupit au dessus de cette porte dans une posture défensive. Malin mais sur la défensive.

- Mon nom est Silma, répondis-je un peu froidement. Et je ne vois pas pourquoi je te mentirai. Et toi qui cache ton visage, c’est quoi ton nom ?

L’inconnu se redressa et me pointa du doigt.

- Ah au fait si j’étais toi, je ferais attention à mes arrières. Après tout, il ne restera pas immobile indéfiniment.

Quoi ?! Qu’est-ce qu’il me chantait ? Avait-il invoqué un truc dans mon dos ? Je fis volte face, mon bras toujours armé de ma petite dague, prêt à devoir attaquer une incarnation, du type chose difforme pouvant être invoqué par quelque sorcier, ou bien à devoir me défendre face à ces golems au physique habituellement peu ragoûtant ; et qui bien souvent me donnent du fil à retordre.

Et là, je me figeais pour la seconde fois. J’étais face à ... moi, tout simplement moi, ou plus concrètement mon ombre. Je me relevais lentement en baissant ma garde, les yeux écarquillés de stupeur en regardant mon "double".

- Qu’est-ce que ... ?

Ma tête était vide. J’étais incapable d’aligner trois mots. Comment avait-il fait ? Etait-ce bien "moi" ? C’était une masse sombre reproduisant mes formes, me reproduisant moi, dans l’attitude que j’avais l’instant précédent.

Mes yeux quittèrent enfin ce "double" pour le sol. Je cherchais mon ombre du regard, ma véritable ombre. Je constatais avec horreur que l’ombre que la lune projetait au sol tout à l’heure, celle que j’avais pu apprécier la compagnie tout à l’heure lors de mon vol de nuit au dessus de la forêt, celle qui me tenais habituellement compagnie, et en tout cas celle dont personne ne se séparait jamais, avait incontestablement disparue. MON ombre avait disparue. Je n’avais plus d’ombre. Mes yeux étant inconsciemment attirés par mon "double", je relevais le regard vers MON ombre devenue moi, juste là devant moi. Je n’avais plus d’ombre. Je n’étais plus "entier". Je fus pris d’un violent vertige lorsque cette réalité prit forme dans me tête. Perdant de mon assurance, mes muscles se détendirent et ma dague rebondit sur le sol émettant un petit bruit métallique sec, comme une protestation. Je fis un pas en arrière, autant pour rétablir mon équilibre instable, mais aussi pour m’éloigner de ce truc "malsain".

On m’avait séparé de mon ombre, allais-je mourir là maintenant ? Je fis un autre pas pour rétablir mon équilibre me faisant toujours défaut et ma main vint s’agripper à mon ventre dans lequel mon estomac protestait violemment. Dans l’histoire du peuple elfique, aucun être vivant ne peut être séparé de son ombre, sous peine de perdre la vie. Qu’est-on sans son ombre ? Même un  simple objet possède sa propre ombre. Sans ombre, pas de réalité.

Je me repris et inspirait un bon coup. Si la séparation de mon ombre avait dû me couter la vie, j’aurais déjà dû être mort. Et ce n’était pas le cas. Et d’ailleurs cette ombre n’avait pas bougé d’un pouce depuis que l’autre me l’avait indiqué. Et l’autre, parlons-en ! On ne m’avait pas séparé de mon ombre, IL m’avait séparé de mon ombre. C’était lui qui l’avait fait. A cause de lui, je n’avais plus d’ombre. Une colère sourde prenait forme en moi. Il voulait que j’aie du répondant ? Il ne voulait pas être le seul à donner des coups ?

Laissant sur mon visage cette expression de désespoir qui m’avait envahie, je me baissais et récupérais ma petite dague. Je l’avais diverti avec cette faiblesse qui m’avait assaillie, j’allais me divertir à mon tour.

Puis sans prévenir, je me jetais sur ce jeune homme à l’aide de ma vitesse héritée de mes ancêtres elfes. Arrivé à sa hauteur, je le fis basculer en arrière avec un mouvement rapide du pied. Une main sur le haut de son torse, je l’accompagnais avec ma vitesse dans sa descente, pour un gain de temps, jusqu’à ce qu’il heurte le sol. Là, je me positionnais à cheval au dessus de lui et lui mis la lame sur la gorge, mon poing à droite de sa gorge. Son avant bras droit était bloqué sous mon genou gauche, l’autre était plus ou moins libre, et ma main gauche avait empoigné son tee-shirt.

Tout cela n’avait duré qu’une seconde. Maintenant, mon visage juste au dessus du sien trahissait ma rage, mes cheveux argentés retombaient encore lentement autour de mon visage, comme s’ils n’avaient pu suivre le mouvement. Je lui laissais un peu de temps pour comprendre ce qu’il s’était passé.

- Qu’est-ce que tu m’as fait ?! Qu’as-tu fait de mon ombre ?

J’appuyais un peu plus sur son cou. Voulant l’empêcher un peu plus de bouger, je déplaçais ma main sur son aile, et contre toute attente, ma main passa à travers celle-ci et se posa sur le sol. Un instant décontenancé, je le repris par le col :

- Réponds !

[Encore désolée pour le retard, j'ai vraiment de moins en moins de temps pour le rp et ça me déplaît ...]
[Bref, j'espère que ma réponse te plaira quand même ^^]

Un sourire apparut sur son visage masqué. Je fronçais imperceptiblement les sourcils. Pourquoi ne montrait-il que son sourire ? Ne pouvait-il pas tout simplement montrer son visage en entier ? Qu’est-ce qu’il l’en empêchait ? Etait-ce un sous-entendu de menace qu’il laissait planer dans ses phrases ? Je ne savais pas trop quoi penser ... Si je voulais vraiment lui trancher la gorge ? Non, pas vraiment ... C’était plus pour intimider. Je ne suis pas comme certains elfes qui aiment la bagarre et le sang. Mon héritage d’Ange atténue un peu ce trait de caractère. Être le gentil de l’histoire ? Pour qui me prenait-il ? Pour un ange bien heureux, bien veillant, bien potelé et tout le tsoin-tsoin, du genre de ces petits Cupidon que les humains raffolaient et idolâtraient ? Je fronçais les sourcils, et appuyais un peu plus sur la gorge en m’attendant à voir arriver une goutte de sang, mais rien. Je ne m’en souciais pas plus que ça. Et trop jeune pour mourir ? Croyait-il vraiment que j’allais tuer un élève de l’école ? J’ouvris la bouche pour répondre à ce qu’il venait de dire mais il me devança :

- Tu vois, je ne veux plus me battre moi donc on a qu’à oublier, ok ?

Je détournais les yeux. En effet, ses ailes noires avaient disparues. J’étais désarçonné et j’écartais donc légèrement la dague. Il allait abandonner comme ça ? Je me relevais un peu, et le regardais d’un air interrogateur en plissant un peu les yeux. Je me retrouvais donc assis sur lui, ma dague à dix bons centimètres de la gorge. Etait-il honnête ? Pouvais-je le croire ? Son sourire ne m’avait pas l’air très franc. Il avait pourtant fait disparaître ses ailes noires mais il n’en restait pas moins entravé ...

Soudain je sentis le couperet d’une lame sous ma propre gorge.  

- Qu’est-ce que ... ?

Par instinct, je relevais la tête et redressais mon dos. D’où provenait-elle ? Je regardais le sourire sur le visage noir. Alors que je commençais à vouloir me retourner pour savoir qui se tenait derrière moi, je sentis une douleur s’immisçant dans mon dos au niveau des omoplates, je lâchais un hoquet de surprise. Je stoppai mon geste. Je compris alors que mon ombre, qu’il contrôlait, se tenait dans mon dos. Pourtant je n’avais rien senti venir. Mon sixième sens ne m’indiquait aucun être vivant à part moi et l’autre inconnu. Je grimaçais sous la douleur.

-Oups ! Je crois qu'on l'avait oublié celui-là. Tu es peut-être doté d'une vitesse surprenante mais je ne pense pas que tu survivras à ton cœur transpercé et à la gorge tranchée, bien sûr tu penses sûrement qu'avec ta vitesse tu pourras sûrement me trancher la gorge avant que ton ombre ne le fasse, ce qui est vrai. Mais ! Hé oui y'a un mais. J'ai déjà pris mes précautions et sous ta lame j'ai déjà installé une protection. Tout à l'heure ta main à traversé mes ailes mais comme tu peux le voir ce n'est pas qu'une illusion sinon cette lame dans ton dos ne pourrai pas te blesser. Alors dit moi Silma que comptes-tu faire?

Je lui lançais un regard noir. Il m’avait bien eut. Et je ne me trouvais pas dans une position très confortable ... Je sentis une goutte de sang perler sur mon cou puis descendre aller s’imprimer dans mon tee-shirt. Je déglutis. Mon « double » m’avait attaqué par derrière, et une de ses lames était en train de me transpercer le dos.

- Tu m’attaques par derrière. Arcatamba ! Lâchais-je avec hargne.

Je serrais les dents. J’avais trop bougé et la lame s’enfonçait lentement dans mon dos, entre mes côtes. J’étais cerné. Sans m’en rendre compte, je l’avais insulté en langue elfique sous le coup de la colère. Mais j’étais passé à autre chose : comment me sortir de cette foutue situation sans avoir la gorge tranchée et le cœur transpercé par cette lame. Fermant les yeux, je réfléchissais à toute allure. Premier essai : me rendre. Certainement pas !! Deuxième essai : m’empaler sur le sabre derrière moi en priant (très) fort pour que la lame ne me transperce pas le cœur et empoigner l’autre pour lui transpercer le cœur. Trop suicidaire et trop sanglant,  je comptais bien vivre plus longtemps que ça. Troisième essai : un salto arrière permettrait de me dégager des deux lames, mais je risquais fort d’agrandir mes blessures au passage, de plus je me savais un peu grand, et la position de départ n’était pas la meilleure. En espérant la quatrième possibilité meilleure que les autres ...

Je rouvris les yeux. Le sourire était toujours là, narquois. Il était sûr de lui, certain de gagner. Je détendis mes mains, comme si j’abandonnais la partie. De nouveau, je fis appel à la rapidité légendaire des Elfes. Je pris appui sur le torse du jeune homme au visage masqué, tendis la jambe et je tournis rapidement sur moi-même vers la droite. Dans le même temps, la lame dans mon dos ressortait, je me penchais suffisamment sur la droite afin d’éviter le sabre devant moi et ma jambe venait percuter le genou de mon « ombre » qui m’avait attaqué, j’y mets toute ma force.  Ensuite, les jambes fauchées par mon geste, le double commence à s’écrouler, je continue mon geste. Je baisse la tête et le torse vers l’avant pour passer sous les deux sabres. Quelques mèches de cheveux en retard se retrouvent coupées, comme pour montrer que les lames sont bien affûtées. Je continue de tourner, je me retrouve face à mon attaquant qui tombe dans le vide pour atterrir devant la porte menant aux toits.

Je me relève et je la regarde tomber au sol ma dague toujours à la main. Cette chose peut-elle être tuée ? Car au fond elle n’est pas vivante ... Non pas que je veuille tuer tout ce qui bouge, mais savoir comment m’en débarrasser s’il revient m’attaquer. Je me retourne vers l’autre qui est toujours à terre, ma respiration est un peu rapide car utiliser plusieurs fois de suite la rapidité des elfes ainsi que leur force m’épuise.

Soudain, je ressens du chaud dans mon dos. Je passe une main dans le dos et la ramène ensanglantée. Je grimace et essuie ma main sur mon pantalon. Il ne faut pas que je perde trop de sang, c’est comme pour les humains. En plus de ça, je n’ai pas mangé grand-chose au diner et je me souviens avoir eu de la fièvre en venant aux toits. Et après avoir volé comme je l’ai fait, je ne suis pas au meilleur de ma forme.  Je fronce les sourcils, je n’aime pas ça ... N’en montrant rien, je m’accroupis à côté de lui. Je pose la dague aux motifs elfiques sur lui, pointe vers le torse. Je le regarde sans rien dire. Je passe une main sur ma gorge, tentant d’essuyer le sang qui a coulé. J’ai été blessé au dos au niveau de mon tatouage, mais mes ailes, elles, n’en sont pas impactées.

- Au fait, tu ne m’as toujours pas dit ton nom, fis-je remarquer au bout d’un moment.

Je me doute bien qu’il va rappeler mon ombre, j’essaie de gagner un peu de temps.

- Dis-moi combien de temps tu vas tenir comme ça avec cette blessure dans ton dos ?

Bonne question, moi-même je n’en savais rien. Sûrement plus très longtemps. D’ailleurs, le temps ne s’était-il pas radoucit ? Ou bien était-ce moi qui avais chaud ? Je fronçais les sourcils. Le mince filet de sang chaud qui coulait entre mes omoplates n’arrangeait rien.

Le plus discrètement possible, comme si de rien n’était, je posais un genou au sol, afin de mieux me stabiliser.

- Donc ... Machin ? ... Tu contrôle les ombres c’est ça ?

Si j’avais pu établir un contact direct avec la terre, j’aurais pu au moins stopper le saignement plus rapidement. Là, je sentais le sang sécher sur mon tee-shirt. Le regard impassible de la Lune sur mon dos m’aidait à calmer le flux sanguin. Il ne fallait pas trop dramatiser non plus, la blessure n’était pas immense. Et je n’allais pas non plus me vider de mon sang. Mais le simple fait d’additionner le fait je j’avais peu mangé, mal (peu) dormi, eu une fièvre en montant aux toits, utilisé plusieurs fois la vitesse des Elfes, et là, ma blessure ; mon corps aillait finir par me dire « stop ! ». Il allait falloir faire un break avant de continuer à sauter dans tous les sens.

- ... Pourquoi tu es ici ? Je veux dire au pensionnat ?

La Lune qui nous éclairait depuis un moment fut masquée par de nouveaux nuages, nous plongeant dans l’obscurité. Et pendant un instant, l’obscurité de la nuit repris ses droits.