Le jour se levait dans la région, Fusanoshin était légèrement fatigué à force de chercher à tout prix à sortir de son Drive. Il ne devait pas abandonner, il y avait là-bas un pensionnat qui regroupait des personnes à haut potentiel qui pourraient peut-être l’aider. Il se pourrait qu’il y croise Takamaru son premier frère Shikigami ou encore Joniza, mais il ne l’espérait pas vraiment car Yakumo était le Toujinshi de ce premier et qu’il était du genre solitaire. Pourquoi le Drive agissait-il comme ça et n’arrêtait pas d’attirer le Shikigami ? Seul un Toujinshi avait le pouvoir de le faire revenir et ça troublait de plus en plus Fusanoshin. Il ne savait même pas où se situait le pensionnat en question, il pourrait chercher des jours durant, cependant il ne voulait pas abandonner. Pas maintenant ! Si le Drive voulait l’aspirer, c’était probablement car il cherchait un Toujinshi pour contrôler ce pouvoir, un Toujinshi autre que son actuel. Souma avait juste besoin de repos, il ne fallait surtout pas l’abandonner, pas avec comme seul prétexte un Drive qui fait des siennes. Il veut un Toujinshi ? Il en trouvera un. Ce pensionnat devait être pas mal connu pour qu’il fasse aussi peu de publicité, et surtout en voyant les mots habituels que le bas de l’affiche écrivait tels que «toujours» ou «plus» dans le sens «n’hésitez plus». Il n’avait pas vraiment le choix, il devait faire avec, même si il ne connaissait rien de cet endroit fréquenté par des personnes tellement peu communes. En y repensant, il n’était pas des plus communs lui non plus avec ses plumes qui lui recouvrent nonante-neuf pourcents du corps, ses serres de rapace et son bec. Son sabre était facilement dissimulable dans son dos mais le reste du corps en lui-même était étrange ; c’était un Shikigami ! Pas le genre de costume qu’un enfant porterait, ou alors avec des greffes de véritables serres, mais jamais avec des détails aussi frappants. Il n’allait donc pas (trop) attirer l’attention vis-à-vis de ces personnes-aux-dons-incroyables. Comment s’appelait déjà le pensionnat ? Fusanoshin essayait de le retenir car il ne comptait pas retourner à l’affiche toutes les trente secondes pour se le remémorer. Tsuruko, Tsuruko, ce n’était pas si difficile à retenir en fait. Tsuruko, en un seul mot. Sans rien d’autre que le mot «pensionnat» devant. Un pensionnat ordinaire avec des personnes extraordinaires, quoi de plus normal ! Fusanoshin continuait de voler en se demandant quel genre de gens il allait rencontrer et si il était particulier.

Au bout de quelques pensées, il remarqua un imposant bâtiment au loin, légèrement dissimulé et en travers du chemin, tellement qu’il fallait connaitre son emplacement ou avoir une vue perçante pour le remarquer. Ça tombait bien, Fusanoshin était un faucon, il voyait terriblement bien, même de très loin. Rien ne lui échappe ! Par contre il ne pouvait dire si c’était un pensionnat sans y être entré. Il était d’une forme assez commune, certainement pour ne pas attirer l’attention. Il passerait beaucoup moins inaperçu avec des fusées accrochées aux coins et des gadgets high-tech dans tous les sens… La subtilité faisait tout dans ce monde ! Le Shikigami se posa sur le palier du supposé pensionnat mais se fit de nouveau aspirer par le Drive qu’il tenait à sa taille. Quelle poisse, si près du but et voilà ce fichu engin qui se met à débloquer. Il n’en pouvait plus, il devait encore en sortir et ça l’énervait. En attendant si quelqu’un le ramasse, il n’aura plus de chance de résoudre son problème donc il devait encore se dépêcher, lutter pour s’en extirper et tout et tout. Arriverait-il un jour à retrouver un Toujinshi ? Il commençait à en douter en constatant ces aspirations intempestives et imprévisibles. Juste à l’entrée du pensionnat en plus ! Il n’allait pas laisser cette lune bizarre détruire son mode de vie en dérèglant son Drive et essayait toujours plus de sortir de celui-ci. Tout à coup la porte s’ouvrit et une main s’empressa d’agripper l’objet reposant sur le seuil pour l’emmener à l’intérieur. Il allait dans la bonne direction, c’était déjà ça, mais il n’était toujours pas libre ! Où allait-il comme ça ? Pas très loin heureusement, la personne s’était arrêtée près de l’entrée et regardait l’objet, visiblement intriguée, pendant que son hôte ne tardait pas à sortit de là au plus vite.

Enfin, il venait de se libérer ! Le Drive s’illumina d’une blancheur presque aveuglante, commença à trembler et soudainement projeta un épais rayon droit devant lui. Le Shikigami s’était invoqué ! Une phrase qui ne devrait même pas exister et pourtant ça venait de se produire. Une silhouette venait d’apparaitre de plus en plus claire et distincte. Des serres, un regard perçant, un sabre, il était entier.

Ikazuchi no Fusanoshin ! Kenzan !

Tirade habituelle de Fusanoshin lors de son invocation, mais cette fois-ci il ne devait combattre personne. Du moins, il n’en avait pas l’impression. Il venait juste de sortir de son Drive, il avait réussi ! Cette seule idée le réjouissait pleinement. Prochaine étape : trouver quelqu’un pour devenir son Toujinshi temporaire. Certes il en avait déjà un mais la lune lui avait en quelque sorte permis d’en choisir un autre, même si il était très satisfait de Souma. Il ne voulait plus devoir ressortir de son Drive par la force, plus jamais, où le moins de fois possible ! Après tout posséder le même Shikigami pour deux Toujinshi n’était pas le plus insolite : Yakumo possédait cinq Shikigami à lui tout seul et lançait des attaques à six directions au lieu de quatre pour les autres. Il ne devrait pas trouver difficilement un Toujinshi avec un si grand pensionnat, c’est ce qu’il se disait pour se rassurer, même si il ne savait pas du tout ce qui l’attendait. Il le proposerait bien à cette gentille personne mais elle avait fui en voyant le Shikigami débarquer de nulle part. Quelle tristesse pour Fusanoshin, il commençait mal si il faisait peur à tout le monde de cette manière. Il n’avait plus qu’à s’inscrire dans le pensionnat en tant qu’étudiant pour recevoir des cours qui pourraient l’aider, ou alors se contenter de demander aux autres pensionnaires. Il suffisait pour lui d’un simple «Bonjour, n’aie pas peur, je suis sympa ! Au fait, mon Drive a un problème, tu veux devenir mon Toujinshi ? Tu verras c’est amusant, tu scelles un pacte avec moi, tu traces des traits avec tout ce que tu as et si tu réussis, je lance des attaques plus puissantes ! C’est y pas génial ça ?» pour convaincre son interlocuteur, mais avait encore beaucoup à apprendre sur la délicatesse et l’abordage des inconnus. Il ne fallait pas tout déballer d’un seul coup, il devait tisser des liens d’amitié mais surtout de confiance envers quelqu’un pour qu’ils apprennent à compter l’un sur l’autre et ainsi combattre main dans la main pour augmenter au maximum leur efficacité ! Ou juste demander au premier venu en espérant un coup de chance. Théoriquement avec de bons arguments, les deux sont possibles, mais il préférait la plus courte des deux, à savoir au petit bonheur la chance.

Il remarqua un panneau accroché au mur avec quelques règles d’intérieur telles que «Les animaux de compagnie sont interdits.», ce qui attira son attention. Néanmoins les Shikigami ne sont pas des animaux, ce sont des esprits datant du sixième siècle pouvant prendre forme réelle. Rien à voir avec des animaux qui font leurs besoins partout et qui mangent tout ce qu’il y a devant lui de viandeux, bien que ce dernier détail corresponde parfaitement à sa personnalité. Il y avait aussi «Toute violences physiques faites dans l’établissement se verront sanctionnés de deux heures de colle». Pas de combats donc. Quoi de plus normal pour un établissement éducatif, mais même si il n’était pas inscrit et qu’il pourrait en profiter pleinement, il était venu demander de l’aide et non provoquer des conflits…
«Il est interdit d’utiliser ses capacités dans l’enceinte du pensionnat.». Qu’entendaient-ils par ce terme ? La capacité de Fusanoshin était de voler, mais il ne voyait pas vraiment ce qu’il y avait de dérangeant dehors. C’était le dernier point du règlement et il fallait le respecter comme si il était tout en haut de la liste. C’était comme ça et pas autrement. De toute façon il pouvait aussi marcher et même si il n’y arrivait pas aussi bien, il était très agile et saurait tenir sur ses deux serres sans problème. Il avait vraiment envie de s’inscrire, même avec toutes ces règles, il aimait l’action et l’aventure et ce mystérieux disfonctionnement mettait beaucoup de piment dans son quotidien ! Il ne savait pas où il devait se présenter pour s’inscrire alors il cria à haute voix pour qu’on s’occupe de lui.

-Hou hou ! Y a quelqu’un ? Je viens d’arriver et je voudrais m’inscrire ici, y a-t’il un responsible à qui je puisse parler pour devenir pensionnaire ici ?

Crier n’était peut-être la meilleure façon d’attirer du monde, cependant Fusanoshin n’avait pas vraiment envie d’attendre, la situation était délicate et il ne pouvait pas se permettre le luxe de trainer. Son Drive pouvait à tout moment recommencer à l’aspirer et pour empêcher ça il devait trouver un Toujinshi mais surtout trouver quelqu’un ! Il ne voyait pas le moindre pensionnaire, ils devaient être en cours selon lui, c’est pour ça qu’il avait prévu de se rendre dans un endroit qui avait beaucoup de chance qu’il y en ait. Malgré l’absence de monde, une fille avait entendu son cri et se tenait les oreilles. Il avait crié un peu trop fort et par malchance une élève se trouvait près de l’entrée à ce moment-là. Elle se rapprochait de lui, c’était gagné pour le Shikigami qui avait enfin réussi à trouver quelqu’un pour l’informer et/ou l’aider. La jeune fille était habillée étrangement, une veste-cape noire qui s’arrêtait au bas de sa poitrine et qui descendait à l’arrière jusque ses pieds, une mini-jupe à carreau dont la couleur dominante était le rouge sang, des gants blancs, une cravate… Mais ce qui attira vraiment son attention c’était la faux qu’elle portait, une faux à l’allure sinistre. Elle n’avait pas l’air effrayante, au contraire très gentille et jolie avec ses deux petites couettes sur sa tête. Jeune et dangereuse, ce pensionnat était vraiment très particulier pour que de telles personnes y habitent. Fusanoshin ne put s’empêcher d’admirer sa superbe faux qui était de forme assez particulière et aussi sinistre avec sa couleur rouge et noir qui devait certainement servir d’arme. Certes son sabre à lui avait une forme très étrange, mais c’était loin d’une faux. En général ce genre d’outil est utilisé pour couper l’herbe, donc elle devait être jardinière dans sa toute jeunesse, sauf qu’elle avait l’air de l’utiliser pour se défendre.

Quelques secondes après avoir atteint le Shikigami, la jeune fille prit la parole d’un ton calme quoique légèrement encore atteint par son précédant cri.

-Oui, y a moi. Pour t’inscrire, faut attendre que quelqu’un se ramène, celui ou celle qui s’occupe de la paperasse entre autres. En attendant, ça t’dirait qu’on discute ?

Ah je vois, la personne chargée d’inscrire les nouveaux n’est pas encore là… C’est vraiment pas de bol. Eh mais elle elle est là, je serai pas perdu dans cet immense pensionnat ! Voyons voir, dans l’école de Souma, ils ont une salle des professeurs où ils se réunissent même pendant les cours, il devrait y avoir l’un d’entre eux qui peut m’inscrire, sinon j’attendrai.

-D’accord, pas grave, on peut l’attendre ici en effet, je suis de nature assez patient. Tu veux qu’on parle en attendant ? Pourquoi pas ? Pour tout te dire, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer ta façon de t’habiller pour le moins étrange, sinistre pour être plus exact. Je ne connais personne ici mais rien que toi me donnes envie d’en apprendre plus sur les pensionnaires qui vivent ici, tu voudras bien me guider jusqu’à la salle des profs quand on aura fini de discuter ? C’est pas sûr qu’elle vienne alors je me disais que tant qu’on y est, pourquoi pas rencontrer ceux qui me donneront cours ?

C’est vrai qu’en mille-cinq-cents ans, j’en ai appris des choses, je pourrai peut-être devenir prof pour enseigner tout ça à de jeunes prodiges qui n’attendent qu’à accroitre leur puissance en combat. C’est vrai que la plupart de ce que je sais concerne l’art de l’Onmyodo mais je sais très bien me battre et j’ai acquis d’excellentes facultés combatives, ce sera un honneur de pouvoir leur apprendre mon savoir. Je ne compte pas leur montrer comment utiliser un Drive, mais vu que j’ai un sabre avec moi, autant leur apprendre à manier ce type d’arme, comme ça ils pourront faire d’une vieille lame rouillée une arme mortelle !

-J’ai bien réfléchi, je ne compte pas m’inscrire en tant qu’élève mais comme professeur. Professeur de kendo pour être plus précis, ça permettra de vous servir de n’importe quelle arme de ce genre et terrasser vos ennemis avec ! Au fait, je…

Sans lui laisser terminer sa phrase, il sentit de nouveau son corps se dématérialiser et revenir dans le Drive, ce n’était vraiment pas le moment, pas du tout… Maintenant il ne pouvait plus rien faire à part lutter de nouveau pour s’en extirper. Il se disait que la jeune fille répondrait plus tard à sa remarque, mais pour l’instant il se concentrait pour se tirer de cette situation insupportable et affaiblissante. Encore une fois, le Shikigami avait été victime de la malédiction qui frappait son Drive, lui laissant comme un énorme vent qui n’était pas du tout voulu. Cette maudite lune avait détraqué cet outil d’invocation qui l’avait mis dans une forme entre spirituelle et matérielle…

Spoiler:

Le Shikigami était étonné de voir un tel accoutrement et la dévisageait. Il la trouvait belle mais néanmoins dangereuse, vu son air sérieux et sa faux qui semblait tranchante comme une lame de rasoir. Deux adeptes des lames aiguisées face à face. Ce serait idéal pour partager leurs connaissances, ou pour combattre et tester la force de l’opposant. Quoi qu’il en soit, Fusanoshin était déjà ravi de faire sa connaissance, c’était la première fois qu’il voyait une arme comme celle-là servir d’arme et elle lui allait à merveille. Manteau noir, gants blancs, regard sombre et désintéressé, elle lui plaisait déjà et voulait faire sa connaissance, ensemble ils pourraient faire tant de choses, se mesurer l’un à l’autre pour prouver qui est le plus fort, il pourrait lui donner des cours particuliers après les cours, des choses de ce genre. Il irait bien lui demander de lui faire une petite visite guidée, mais il était coincé. Quelle malchance, une fois à nouveau il se fait aspirer dans son Drive… Fusanoshin n’avait vraiment pas de chance. Il se demandait ce que ferait la jeune faucheuse tout en essayant de sortir de là. Allait-elle partir en courant ? Prendrait –elle son courage à deux mains et entrerait-elle dans le Drive ? Ou alors elle pourrait s’en servir pour toutes sortes de choses insolites… Heureusement il avait l’intention de sortir de là avant d’envisager une réponse encore pire.

Dans le Drive, ce n’était pas une prison de deux mètres sur trois, c’était très vaste et il fallait être attentif pour prendre la bonne porte de sortie. Dans cette sorte d’univers parallèle, il y avait des portes de papier quadrillées par des tiges de bois, très légères et faciles à ouvrir en coulissant. Il devait guetter une ouverture et foncer dedans, comme un portail qui s’ouvre, sauf que n’importe laquelle de ces portes de papier pouvait s’ouvrir et il fallait donc redoubler de vigilance. Quand c’est un Toujinshi qui l’invoquait, il lui suffisait de suivre la voie toute tracée devant lui, mais dans ce cas personne n’allait l’invoquer, il devait se débrouiller tout seul.

Après quelques minutes, il entendit une porte s’ouvrir à quelques mètres et se refermer aussitôt. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant la jeune fille sans sa faux qui avait réussi à s’introduire dans son antre. Fusanoshin ne savait pas comment elle avait fait mais il ne pouvait que la féliciter.

-Salut, c’est moi, je suis derrière cette paroi ! Tu te trouves dans mon Drive, cet objet que je porte sur moi. Il me permet de déclencher des attaques mais surtout c'est dedans que je me repose. Ici je dois attendre qu’une porte s’ouvre mais si toi tu me donnes un ordre, la voie apparaitra devant moi et je pourrai enfin sortir. Toi il te suffira de fermer les yeux à ce moment-là et tu te retrouveras dehors à la même place que t’étais.

Du moins, ça s’est passé comme ça avec Souma et je doute qu’on soit obligé de sceller un pacte pour en sortir. C’est sûr que si elle prononce mon nom en entier, ça influencera le Drive et peut-être qu’il nous laissera en sortir. Je n’ai vraiment pas envie de passer la fin de mes jours dans un Drive ! Si la lune veut un Toujinshi, il en aura un, mais en attendant je dois en trouver, ce qui s’avère la partie la plus difficile. Il faut quelqu’un de bien entrainé, d’un minimum intelligent, de bonnes connaissances en stratégie… Je crois que je suis pas au bout de mes peines.

Fusanoshin se disait qu’elle ferait l’affaire et comptait lui demander une fois sortis, si un jour ils en ressortent. Il suffisait que la jeune fille prononce son nom en entier et qu’elle lui donne un ordre pour qu’il s’exécute ensuite et qu’apparaisse la voie qui mène à la sortie. Une sortie, ce n’est pas très compliqué, il suffit de franchir la porte, sauf que dans son cas elle était parmi des centaines et qu’il fallait à chaque fois la franchir durant le court laps de temps avant qu’elle ne se referme. Et cela à chaque fois qu’il se faisait aspirer, environ toutes les demi-heures.