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Ils m'ont attaqué en bande. Six au total, six traqueurs assoiffés de sang, déterminés et particulièrement motivés. Ils sont entrés par les fenêtres, comme s'ils traversaient les murs. Ils se sont séparés sur différentes parties de mon corps : deux sur la jambe, trois dans le dos et un dernier dans le creux de mon cou. J'avais la couette sur la tête, mais ils ont percé mes défenses pour me saigner, me laissant des marques qui ne disparaîtront que dans plusieurs années. J'en ai eu un. Son sang m'est resté sur les mains, d'une magnifique couleur pourpre. Connards de moustiques.

Je n'avais aucune idée de l'heure, mais je savais qu'il était tard, très tard et ces bestioles inutiles m'empêchaient de dormir. Je finis par me lever pour vérifier si la fenêtre de ma chambre était ouverte. Un Haribo vivant, voilà ce que j'étais.

Rien à signaler. La fenêtre était bien verrouillée. Ma colocataire était apparemment pas dans le coin, car son lit était fait, à la limite du poussiéreux comme si elle n'avait pas mis les pieds dans la chambre depuis pas mal de temps. Je me rallonge dans mes draps et allume mon Ipod en espérant que la musique serait un raccourcis pour trouver le sommeil. A ma grande déception, les morceaux s'enchaînent un à un tandis que j'admirais le plafond d'un blanc réconfortant, mais stimulant à la fois. J'étais trop crevée pour m'occuper, mais pas assez pour dormir, quel foutu dilemme. Je levais le bras au-dessus de ma tête, détaillant chaque parcelle de mes doigts, chaque cicatrice, chaque veine bleutée à travers mon épiderme d'une pâleur effrayante sous les rayons de lune qui traversaient la fenêtre. Mon analyse terminée, je laissais tomber mon bras tel un membre sans vie sur le matelas. Trouvant cela amusant, je recommençais encore et encore jusqu'à ce que ce petit jeu puéril me lasse et que je me retrouve une nouvelle fois en pleine contemplation du plafond.

Le bras fatigué le long du corps, je m'éclatais à faire de même avec ma jambe que je soulevais et relâchais sans fin. Au bout d'un moment, toujours aussi insomniaque, je sentais, plus en intuition que physiquement, le long de mon muscle les courbatures du lendemain. Je tentais de me concentrer sur les notes qui se diffusaient dans mes oreilles, le corps reposé. Malgré cela je bougeais le bout des doigts et du pied au rythme de la musique ... J'enlevais les écouteurs et rangeais mon Ipod sur mon chevet. Le silence mortel qui gouvernait dans ma chambre était de plus en plus lourd, si bien que j'arrivais à entendre ma respiration, voir même les battements de mon cœur. Je levais la main en forme d'arme vers ma tempe simulant un suicide, avant de relâcher mon bras, rebondissant sur le lit.

Je finis par me lever, me faisant de plus en plus chier dans mon pieu et ne savant pas vraiment quoi faire, je commençais à faire les cent pas dans la chambre, cherchant une occupation. Je retournais sur mon lit et de retour une dizaine d'années en arrière je sautais sur les ressorts comme une gamine ... que ce que je m'emmerdais. Toute essoufflée, je me laissais tomber sur le sol et y restais quelques secondes avant de me relever lorsque l’ennui m'eut rattrapée.

Jolene. Luisant au clair de lune, ma gratte m'observait appuyée sur le mur, semblant me reprocher de ne pas avoir pensé à elle dès le début. Posée sur le lit, je grattais encore et encore plusieurs morceaux doux, essayant d'atteindre encore et encore les bras de Morphée. Finalement, je commençais à sentir mes paupières aussi lourdes que du plomb. Je posais ma guitare au pied du lit et m'allongeais en boule, attendant le sommeil. Mais rien. Je restais là, sur le matelas, sans bouger, retournée à la case départ.

Je murmurais doucement des paroles de chansons qui pouvaient me servir de berceuse, mais toujours rien. Je réfléchissais à ce que j'avais bien pu consommer dans la journée pour me plonger dans une telle insomnie : Redbull, vitamines ... ? Apparemment non. Peut-être quelque chose qui me tracassait ? Les cours, ma famille ... ? J'en avais aucune idée. Ma vie allait, du moins pour l'instant, pour le mieux... A part peut-être Reyno que je voyais presque jamais. Je me surprends à rougir mais seulement pour quelques secondes, avant de secouer la tête pour me ressaisir.

Les pensées se suivaient à la queue leu leu dans ma caboche, jusqu'à ce que j'ai le courage de me lever et d'attraper ma vieille boite de somnifère que j'avais piqué à ma mère quelques années auparavant, en espérant qu'ils ne soient pas périmés. Je m'en enfilais deux ou trois, avant de retourner dans mes draps et d'enfin, après des heures de glandouille, m'endormir comme une masse. Si j'avais sût, je les aurais pris bien avant.

Des vaches. Des grosses vaches. Plutôt pas mal dans leur genre, avec des chapeaux parapluies sur la tête. Elles portaient des tutus et dansaient au son de All You Need is Love - The Beatles. Il pleuvait aussi, il pleuvait du gouda en forme de chaussettes et au loin, des poules et des nounours en bonbon faisaient un bucher satanique de marshmallows. La musique changeait et une des vaches, toute noire avec des airs de Sid Vicious, un collier à piques au cou et une bouteille de grenadine à la main, s'égosillait en changeant complétement de registre, dans un micro en pâte à modeler fluo les paroles de I Wanna be Your Dog - The Stooges, ce qui me paraissait plutôt étrange pour une vache. Ce n'est qu'au bout du deuxième couplet que je me rendais compte qu'il s'agissait de mon portable qui sonnait et que j'étais en plein milieu du rêve le plus dingue que j'avais jamais fait.

J'ouvrais les yeux et attrapais mon portable d'une main. C'était un texto de Reyno :

Allo Keyla, c'est moi Reyno,
Désolé de te réveiller aussi tôt, mais je voulais juste te dire que tu me manquais et que je voulais absolument te voir et que j'ai pris la décision de venir te voir à ton dortoir, je sais en ce moment que tu te dis que cela est interdit, mais pour moi rien n'est interdit et je suis prêt à tout pour te voir, même à me déguiser en fille. Surtout ne rie pas de moi quand je vais arriver dans le dortoir, cela pourrait réveiller les autres qui sont entrain de dormir.
J'arrive dans un instant mon amour.
Rey

Mon portable affichait six heures du matin, mais malgré cela il faisait encore nuit. Piouf, j'avais encore rêver. Je lâchais un Tss et me tournais sur le côté pour me rendormir, c'était impossible qu'il vienne dans les dortoirs des filles, il allait se faire choper directe. Son texto résonnait dans ma tête comateuse par les médocs : déguiser, déguiser .. en fille ! Je sautais sur mes deux jambes et me précipitais vers mon armoire pour enfiler un vieux T-shirt noir, troué certes mais j'avais la flemme de chercher plus loin dans les profondeurs de mon armoire. Je sautillais sur mes deux jambes afin d'enfiler une paire de chaussettes (Pas en gouda je vous rassure) et un de mes slims toujours noir, comme d'hab. Une fois ma braguette fermée, j'entrouvrais la porte de ma chambre afin qu'il puisse entrer discrètement au lieu de toquer et de réveiller tout le dortoir féminin.

C'était pas vraiment dans mes habitudes de me regarder dans le miroir, donc je sautais ce passage qui était un véritable rituel pour certains et m'allongeais dans mon lit, attendant sa venue. Et c'est à cet instant qu'arrivait le comble du comble ... La tête sur mon oreiller, je m'assoupis laissant la porte entrouverte, avant même son arrivée. J'ai la poisse, moi ? You don't say ~

Spoiler:

Allongée sur le sol matérialisé par mon imagination, je ne sentais rien, physiquement. Ni la douleur qui émanait de chacun de mes os fracturés par la chute. Ni le hurlement de mes muscles froissés par le choc. Je ne ressentais ... que le troue béant qui s'ouvrait dans ma poitrine, bouffant peu à peu chaque partie de mon être. Une larme imaginaire coule le long de ma joue et en temps normal l'humidité sur ma peau m'aurait démangé. Or j'étais dans le monde d'Orphée ou tous ceux que je ne maîtrisais pas, se réunissaient à une table, se concertant en essayant de trouver un stratagème pour me faire lâcher prise et briser l'étroit fil qui me raccrochait à la vie.

Le gouffre grandit en moi, encore et encore. Me bouffant de l'intérieur comme une hyène sur son morceaux de viande. Malgré cela, je reste sur le sol, me consumant petit à petit, impuissante face à moi-même. Qu'elle plaie. Une insomnie, un flashback et a présent ... mon miroir. J'avais beau noyer ce sentiment dans tout ce que je trouvais, le sommeil me rattrapait toujours, où que je sois. Mieux valait y rester dans ce cas.

- Je suis là ... tout va bien à présent. Ton prince est venu te secourir ma belle.

Une voix, une voix douce et rassurante dans cet enfer. Je tends un bras devant moi et ressert entre mes doigts l'air, inutilement. Pas n'importe laquelle, car c'est sa voix, à lui. Je n'étais finalement pas seule, dans ma solitude. Je me concentrais de toutes mes forces afin d'ouvrir les yeux dans le vrai monde, ce qui était plus difficile que ce qu'il y parait. La faible lueur qui brulait en moi se réveillait petit à petit et engloutissait sur son passage les parcelles putrides de mon âme contaminées par ce troue béant au creux de ma poitrine.

Une peau, étrangement douce, sans aucun défauts sous mes doigts fins. Mais le plus important, c'est que cette épiderme en m'appartenait pas. Avant de prendre peur, je reconnus la douce odeur qui caressait mes narines. J'enfouissais ma tête au creux de son cou, ses bras autour de moi. J'avais à peine ouvert les yeux, préférant apprécier le rôle de mes autres sens.

Je reculais finalement en relevant les paupières, laissant mes pupilles prendre le relais en s'adaptant à la douce lumière de la lune qui m'avait tant passionnée lors de mon insomnie, s'infiltrer par les vitres de ma fenêtre. Bien sûr, légèrement longue à la détente, il me fallut un bon moment avant de remarquer l'étrange chose velue qui régnait sur la tête de mon soupirant.

J'éclatais d'un rire cristallin qui résonnait dans toute la pièce, en espérant ne pas réveiller mes voisines. Cela faisait un sacré bail que j'avais pas ris autant, et au fur et à mesure je ressentais un manque d'oxygène dans mes poumons. Enfin calmée, mais à bout de souffle, je prenais la main de Reyno avant de la porter à mes lèvres en murmurant :

- Me serais-je endormis en vous attendant, demoiselle ?